Le poids de la Loi de Séparation de 1905 dans la campagne électorale du printemps 1906.

Au congrès républicain du 7 avril 1906 à QUIMPER, on préparait les prochaines élections législatives…
(d’après Le Citoyen, n°3, 14 avril 1906).

La lutte contre les adversaires de la République et je m’en voudrais d’insister plus longtemps sur un choix qui s’impose à l’unanimité de nos suffrages. Puisque j’ai pris la parole je tiens à en profiter pour vous exhorter à observer pendant toute la période électorale, l’entente parfaite qui doit être la loi de tous les vrais républicains. L’union entre les républicains de toutes nuances est absolument nécessaire et nous devons tous prendre ici l’engagement de soutenir avec la plus grande fermeté celui qui sera proclamé par le Congrès comme candidat du parti républicain aux élections législatives dans la 2° circonscription de Quimper. Vous appartenez, mes chers amis, à l’élite du parti républicain de cette circonscription ; que chacun de vous, dans sa sphère d’influence, ne manque pas de montrer autour de lui le devoir qui nous incombe. Ce devoir est bien simple, c’est d’assurer le succès du candidat républicain. Soyons donc fortement unis et après avoir acclamé le nom de M. Le Bail, luttons avec confiance pour le maintien des positions acquises et pour la nouvelle victoire de la République dans la 2° circonscription de Quimper.

La législature 1902-1906. — Mesures anticléricales. Sans haine contre les personnes, j’ai combattu avec énergie depuis 4 ans les doctrines opposées aux miennes et j’ai mené de mon mieux le bon combat laïque et républicain. La Chambre, dont je fais partie, a appliqué la loi sur les congrégations, d’abord à ce que Waldeck-Rousseau appelait les moines ligueurs et les moines d’affaires, puis aux congrégations enseignantes. J’avais pensé à faire des distinctions. J’y ai ensuite renoncé. Les sœurs blanches révoltées ont à jamais perdu la cause de l’enseignement primaire congréganiste. Ce que j’ai entendu frapper c’est une manifestation, une forme inadmissible et dangereuse de la liberté de l’enseignement. Je n’ai pas touché, comme je l’avais promis à la liberté de l’enseignement qui est entière. Vous pouvez vous en rendre compte par ce que vous constatez autour de vous dans vos communes où les écoles libres existent à côté des écoles publiques. Les circonstances m’ont, de plus, amené à voter la séparation des Eglises et de l’Etat. Dans ma profession de foi, j’avais dit : « Il faut que le prêtre, qui doit être l’homme de tous, comprenne qu’en se mêlant aux querelles des partis il s’attire fatalement les représailles du vainqueur.J’estime que le Concordat peut continuer à être appliqué dans un esprit de tolérance mutuelle jusqu’au jour où l’Eglise et l’Etat réclameront leur indépendance. ». Pendant 3 ans j’ai voté périodiquement le maintien du budget des cultes. Je vous dois compte des considérations graves qui m’ont amené à voter la séparation. Elles sont de deux sortes. Le clergé doit être soumis à l’Etat dans le domaine du temporel, et l’Etat n’avait que trois moyens de réprimer les abus du clergé : La déclaration d’abus, les suppressions de traitement et les poursuites pénales. On rendra cette justice au gouvernement républicain que depuis 35 ans il a rarement mis la loi pénale en mouvement contre le clergé. La déclaration d’abus était, d’un autre côté, une mesure vraiment trop platonique et qui mettait souvent les rieurs du côté du clergé. Le respect s’en va, le respect est mort, vous le savez, et les curés avec leur propagande politico-religieuse, n’ont pas peu contribué à le tuer dans ce pays, en déplaçant les bornes et en effaçant les sentiers qui délimitaient les deux domaines du Spirituel et du Temporel. Restait la seule mesure efficace encore : la suppression des traitements des prêtres qui ne craignaient pas de compromettre leur caractère dans des manifestations contre les lois et les ministres de la République ou dans des entreprises illicites dirigées contre la liberté et les droits des particuliers. L’évêque de Quimper n’a pas craint de donner son appui à une œuvre qu’il recommandait aux fidèles du diocèse dans une lettre circulaire du 26 juillet 1903 et qui avait pour objet de former une caisse destinée à restituer aux prêtres frappés, le traitement que le Gouvernement leur supprimait. C’était l’Etat voué désormais à l’impuissance et condamné à subir toutes les avanies de la part d’un clergé révolté et gouailleur. Plus tard est venue la question de la nomination des évêques. De parti pris, le Saint-Siège s’est refusé depuis le 16 juin 1902 à toute nomination. En 1905, neuf sièges épiscopaux étaient vacants. La République ne pouvait renoncer à ses prérogatives essentielles, notamment à la nomination des évêques. Il n’a pas osé faire l’acte d’indépendance dont le second Empire, peu suspect d’irréligion, avait pourtant laissé d’éclatants exemples. Plus tard, c’est le Souverain Pontife qui, dans un document blessant pour la France, a dénoncé à certaines puissances européennes l’offense prétendue que le chef de l’Etat français aurait commise à son égard en rendant visite au roi d’Italie dans la capitale de son royaume. Puis a surgi le double incident des évêques Geay et Le Nordez, qui ont été appelés à Rome malgré I’opposition du Gouvernement, en violation des dispositions du Concordat. Enfin, à la même époque, c’est le Saint-Siège félicitant l’évêque d’Angoulême d’une condamnation que venait de lui infliger un tribunal fran- çais ! Complimenter le condamné, c’était injurier la magistrature qui juge au nom de la République française. Voilà les raisons qui m’ont décidé. Mon vote a été raisonné et je ne saurais le regretter. Sans doute les conventions ne peuvent être révoquées que du mutuel consentement des parties contractantes, mais en cas d’inexécution de ses engagements par l’une des parties, l’autre a le droit de s’adresser aux tribunaux pour faire résilier le contrat. A défaut d’un juge, d’un arbitre placé au-dessus de l’Eglise et de la France, les représentants du peuple n’ont pas hésité à prendre hautement la responsabilité de cet événement, qui va marquer une ère nouvelle dans notre histoire.

La Séparation sera la liberté.

La Séparation sera la liberté pour tout le monde ; pour l’Eglise, qui aspirait à son indépendance et qui avait su la réaliser déjà elle-même ; pour l’Etat, qui avait fait à moitié la Séparation par la laïcisation d’un grand nombre de ses services publics ; pour les fidèles, dont les droits intangibles ne peuvent être menacés par aucun gouvernement digne de ce nom. Pour la centième fois, depuis 35 ans, vous allez entendre dire qu’on va fermer les Eglises et chasser les prêtres. Les faux prophètes en seront pour leurs vaines prédictions. Le parti républicain ne cessera d’assurer le respect de la liberté de conscience et de l’exercice des cultes. Il faudrait être fou pour pénétrer de force dans le domaine inviolable des consciences religieuses. C’est aux hommes religieux à maintenir à la fois l’intégrité de leur foi et l’inaliénabilité de leurs convictions politiques. Ils peuvent se montrer à la fois des chrétiens et de bons citoyens…

G.Le Bail (fut proclamé, à l’unanimité, candidat des républicains de la 2è circonscription électorale de Quimper).