L’histoire éphémère du bagad de l’ENG de QUIMPER (1949-1980)

Comme le disait notre maître Per-Jakez Hélias, professeur de français à l’ENG, « la vérité quand elle a beaucoup vieilli, prend les couleurs de la légende ».  Dans le cas d’Ecole qu’expose ci-dessous, le normalien quimpérois de 1954-1958, André le Goff membre actif de notre Association, on se rend bien compte que cette dérive peut être évitée malgré des logiques démographiques implacables, à condition de s’imposer quelques contraintes.

Il faut d’abord accepter de rassembler les éléments d’une histoire  dispersée  non seulement dans le  temps et  l’espace mais aussi au gré des réformes successives du système français de formation des maîtres. Il s’agit ensuite de les ordonner et de leur donner du sens, de manière à faire émerger – en serrant au mieux les réalités passées – l’une des composantes de notre patrimoine normalien. Elle témoigne des racines, de la langue et de la culture bretonnes ; celles que nous installions implicitement dans notre Ecole au moment où nous y entrions pour la première fois  c’est-à-dire celles des « bouseux ayant souvent  trempé  leur cœur au sel » (P-J Hélias) que  nous étions tous, plus ou moins directement.

L’exemplarité de la démarche suivie par notre ami A. Le Goff  doit être soulignée et l’Association lui exprime ici sa reconnaissance pour avoir relevé brillamment le défi qui lui fut proposé.  Il en ressort avec « une belle aventure » qu’il raconte sur notre site  avec beaucoup de flegme, d’humour et parfois de mélancolie.

Portée par une Ecole Normale d’Instituteurs, son directeur et ses professeurs, l’existence du bagad – en tant que groupe constitué de musiciens (sonneurs et batteurs) interprétant  de façon collective certaines partitions (apprises à l’oreille selon nos traditions ancestrales ou déchiffrées par ceux qui pratiquaient le langage adéquat) se révèle singulière à différents égards.

Etait-elle, à l’instar de bien d’autres groupes folkloriques, « symbole  de la Bretagne vivante », considérant que la musique populaire  et ses représentations constituent  et révèlent l’âme d’un peuple ?

L’expérience unique menée pendant une quarantaine d’années dans les murs d’une institution scolaire créée sous la 3è République prônant « l’indivisibilité de la République, l’égalité devant la Loi et l’unicité du peuple français »  était-elle de nature  à apaiser les « dommages »  liés à l’interdiction de l’emploi du breton dans nos écoles ? Les hussards noirs formés à Quimper comme ailleurs étaient sélectionnés sur un concours dont les sujets d’épreuves étaient  rédigés en français. Ils étaient alors accuellis, au plein sens du terme, dans une Ecole où la vie scolaire était exclusivement ordonnée en français. Ils la quittaient pour rejoindre leurs postes d’affectation, porteurs de la mission d’instituer la République  française notamment  en enseignant ses normes  exclusivement au moyen de sa langue ; le français.

S’agissait-il plus simplement de fournir aux élèves-maîtres l’opportunité de s’autodiscipliner dans le cadre d’un projet culturel dont le rendu, lors des défilés et des concerts dans les fêtes des écoles publiques, participait au rayonnement de l’établissement et en retour de celui de l’école laïque ? On ne peut que s’interroger sur la signification de ce bagad autoproclamé qui témoignait, physiquement, de la force de notre culture régionale.

Quoi qu’il en soit, on soulignera que pendant 40 ans le bagad normalien sut franchir sans encombre apparente et dans l’honneur, avec ses formations plus ou moins complètes ou importantes de sonneurs et de batteurs, les arcanes  et les vicissitudes liées à son appartenance ou affiliation  aux diverses organisations et fédérations bretonnes de cercles celtiques. Certaines de ces structures se  proposaient de gérer les sonneurs de bagadoù  selon des principes faisant référence notamment aux périodes sombres de l’autonomisme breton. D’autres souhaitaient ouvertement œuvrer dans le sens de la laïcité républicaine.

Tout porte à croire- et le travail d’enquête mené par André Le Goff le confirme amplement- que le bagad des normaliens apporta la preuve, durant toute son existence, qu’il constituait une école d’émancipation, de tolérance et de laïcité républicaine. Il contribua aussi à structurer dans nos têtes et nos cœurs l’esprit normalien.

Les visiteurs intéressés pourront consulter en cliquant ici l’article de André le Goff  rapportant ses observations sur les origines et la vie du bagad normalien (bagad skol-veur !) qu’il a intitulé « La belle aventure du bagad des Norm’ ».