Tel était le sujet de réflexion lancé aux adhérents de l’ASVPNF au moment où l’on parle de refonder l’école , d’inventer un nouveau collège et une fois de plus de réformer les bases de notre système éducatif. On sait qu' » il est facile de poser une question difficile »…
Il y a bientôt 20 ans que j’ai dételé et je vais avoir bien du mal à répondre à la question « qu’est ce qu’une bonne école ? » d’autant que notre monde libéral y répond déjà plus ou moins : classement des Business schools par le Financial Time, des Universités (Shangaï) des Lycées (Le Parisien, l’Etudiant, Le Figaro…) des collèges (presse régionale).
Voici, au débotté, ma modeste contribution :
1) L’inégalité est devenue la marque de notre République et l’Ecole Laïque (bien qu’arborant le mot EGALITE à son fronton) n’y déroge pas. Le projet serait donc de limer les inégalités sociales : aide aux élèves en difficulté, plus de maîtres que d’élèves dans les « ex-ZEP », revalorisation des bourses, augmentation du nombre de médecins et infirmières scolaires…
Mais les différents candidats aux Présidentielles surenchériront certainement !
Inutile d’ajouter que pour avoir des enseignants de qualité il faut d’abord leur proposer des salaires attractifs !
b) Les chefs d’établissements devraient être issus du corps des professeurs et avoir fait leurs preuves en tant qu’enseignants. Plus de technocrates pliant l’échine devant l’Administration et appliqués à gérer leur plan de carrière !
Je ne m’aventurerais pas sur la participation des parents d’élèves à la vie de l’établissement : d’après mon expérience ça ne se passe pas toujours très bien…
Pour un avant-projet d’Ecole Publique Laïque de demain.
Cet essai, se propose d’apporter quelques éléments de réponse à la question de savoir ce qu’est une « bonne école », ou ce qu’elle pourrait être pour les enfants, les adolescents et les parents qui les ont conçus, c’est-à-dire les citoyens actifs et responsables, présents et à venir, de notre République Française… Il s’agit d’une interrogation récurrente et sans réponse, émergeant de toutes les « strates » de notre société et de ses collectivités, qu’elles soient ou non confrontées à des échéances électorales. Ces dernières sont toutes associées à des joutes portant sur des projets contradictoires de réforme des institutions scolaires qui, peu ou prou, sont destinés à passer aux oubliettes post-électorales. Plus souvent qu’il ne le faut, sacrifiés sur l’autel des choix politiques et des contraintes budgétaires, ils sont allègrement renvoyés aux calendes grecques. D’aucuns se donnent ainsi bonne conscience tout en se lamentant à l’infini sur l’incompétence de l’école et de ses maîtres. En attendant les effets-miraculeux, toujours reportés à la prochaine rentrée, de réformes-mesurettes on ne fait que semer des sources supplémentaires de confusion et de discrédit sur une institution qui devrait être « sanctuarisée ».
Quelle fut donc, par le passé, la bonne école imaginée par les pionniers fondateurs, celle qui permit à beaucoup de sortir de l’ignorance tout en donnant accès à diverses formes de promotion et de justice sociales ? Véritable institution, pilier de la République, sans relâche combattue par ses adversaires cléricaux de tous bords et parfois aussi par d’aucuns qui en ont largement tiré parti … l’école publique laïque a survécu à trois Républiques et aux deux guerres mondiales du XXème siècle. Il paraît alors naturel de faire référence aux expériences, aux réussites et aux acquis de notre Ecole pour bien cibler les nouvelles attentes du peuple de France en la matière. Imaginer, innover et créer devraient être remis à l’ordre du jour, sans accorder la moindre concession aux adversaires affichés de la laïcité et aux tenants non seulement de la privatisation rampante du service public mais aussi de la « liberté scolaire » ouvrant sur des écoles « indépendantes ».
Rappelons en effet que, dès 1792, Condorcet définissait le premier but d’une instruction nationale : « Offrir à tous les individus de l’espèce humaine les moyens de pourvoir à leurs besoins, d’assurer leur bien-être, de connaître et d’exercer leurs droits, d’entendre et de remplir leurs devoirs. Etablir entre les citoyens une égalité de fait, et rendre réelle l’égalité politique reconnue par la loi ». Reprenant en 1870 ces idées lumineuses, lors de la préparation des Lois scolaires de la Troisième République, Jules Ferry proclamait que: « L’enseignement est un devoir de justice envers les citoyens. L’inégalité d’éducation est l’un des résultats les plus criants et les plus fâcheux, au point de vue social, du hasard de la naissance. Avec l’inégalité d’éducation, je vous défie d’avoir jamais l’égalité des droits, non l’égalité théorique, mais l’égalité réelle, et l’égalité des droits est pourtant le fonds même et l’essence de la démocratie. ».
Pourquoi, devant la force de tels propos et leur prégnante actualité, ne pas avoir placé l’instruction publique – qui n’est pas nécessairement une éducation nationale-parmi les charges régaliennes de l’Etat ? Notre école publique laïque et les institutions scolaires et universitaires afférentes en eurent tiré le plus grand bénéfice sans avoir à être placées, au gré des aleas politiques et des pratiques électoralistes incantatoires, parmi les priorités nationales.
C’est effectivement l’une de ces écoles primaires publiques, préfigurées dans le corpus des lois scolaires de Ferry, qui fut la mienne ; une école de hameau des Montagnes d’Arrée ayant survécu- tant bien que mal- à l’occupation allemande et au régime collaborationniste d’état dit « de Vichy ». Ma première maîtresse d’école faisait partie, je crois pouvoir le dire sans ambages, des « missionnaires de la République ». Madame Puget qui portait la longue robe noire traditionnelle, avait la charge de la « petite classe » où elle apprenait à lire, écrire et compter aux petits paysans des villages environnants.Tous, bretonnants de naissance, ils découvraient la langue française à l’âge de six ans, toujours aux dépens de leur langue maternelle. Plus tard et chemin faisant, auprès des maîtres à « blouse grise des grandes classes », ils se rendaient compte que le Certificat d’Etudes Primaires était le laisser-passer nécessaire pour jouer un rôle citoyen et faire face aux besoins de la vie courante, y compris dans nos campagnes bretonnes rudes et déshéritées. A l’évidence, cette école de hameau, ouverte au plus près de nos villages… construite et entretenue par une municipalité attentive, tenue par des maîtres formés dans les Ecoles Normales d’Instituteurs, soutenue par des parents rassemblés au sein de l’Amicale laïque, fut pour moi la « bonne école ». C’est elle et ses maîtres qui furent à l’origine d’un long cursus, fondateur s’il en est. Sans elle il n’y avait point de salut quand la naissance vous avait fait apparaître, par bonheur, en ce milieu « hostile ». Il y vivait des familles ordinaires, dont la plupart étaient elles-mêmes déjà passées par l’école de la République. Elles luttaient pour assurer la subsistance quotidienne tout en faisant face à leurs obligations de fermiers au regard de propriétaires terriens sourcilleux et lointains. Les effets salutaires des écoles de hameau sur le devenir, l’intégration sociétale et citoyenne des enfants de nos microsociétés paysannes, furent décisifs pour beaucoup d’entre eux.
Sans prétendre tirer des leçons de cet exemple dont l’anachronisme interpellera certains, il convient de rappeler qu’en l’absence de mémoire il ne peut y avoir de projet. Dès lors, si une démarche de projet pouvait être menée par les néo-pionniers qui relèveront le défi de la reconstruction de l’Ecole Publique Laïque, il semblerait opportun d’y intégrer des éléments structurants tels ceux énumérés ci-dessous même si par certains aspects ils peuvent relever d’un autre temps. Ils pourraient contribuer, avec d’autres, à repositionner l’Ecole Laïque à la place éminente qu’elle occupait parmi les biens communs de notre République.
1. Tout d’abord, affirmer, avec toute la précision et la rigueur nécessaires et en écartant toute tentation contradictoire ou approximation en la matière :
– la laïcité des institutions scolaires de la République en conformité avec les lois en vigueur, l’esprit et la lettre de la Constitution.
– le caractère régalien des services publics de l’enseignement et de l’éducation.
2. Ensuite définir et expliciter les missions et objectifs humains citoyens et sociétaux des différentes structures concernées, en particulier l’école et le collège, en prenant en compte :
– la nécessaire préservation de la sérénité des espaces scolaires.
– l’intérêt de ces institutions comme modèles d’intégration sociale.
– les évolutions présentes et prévisibles, à court et moyen termes, de la société française et leurs implications dans la structuration du système éducatif du futur.
– les effets prévisibles de la révolution numérique sur la structure et le fonctionnement du monde du travail dans lequel évolueront les futurs parents et leurs enfants.
– les cheminements ou parcours pédagogiques à privilégier pour préparer les enfants aux défis du 21è siècle.
3. Puis évaluer avec rigueur et réalisme les moyens humains, matériels et immobiliers nécessaires :
– en réservant les fonds publics exclusivement à l’ensemble du système éducatif public,
– en donnant la priorité à la revalorisation du métier d’enseignant et de la fonction correspondante (recrutement, formation initiale des pédagogues, formation permanente, salaires…)
4. Enfin procéder, avant toute mise en œuvre, aux concertations et aux validations nécessaires en recherchant selon une démarche de démocratie participative consensuelle toutes les idées novatrices qui ne manqueront pas d’émerger de tous les horizons du peuple de France.
Au total rien ne sera possible, sans fédérer et valoriser les connaissances et compétences accumulées par tous les acteurs des services publics de l’éducation et de la formation, sans aller à la rencontre des attentes parentales et sociétales et sans une volonté politique inébranlable pour remettre en exergue les principes fondateurs et pour faire assurer leur durabilité. Il s’agit en effet d’afficher haut et fort la nécessité d’éduquer pour apprendre à penser librement, à développer la créativité et l’innovation et à préparer une société de progrès et de justice sociale . Alors, l’Ecole Publique Laïque pourra de nouveau être vécue, par ses usagers, comme l’accomplissement d’une « bonne école ». En tout état de cause, celle-ci devra rester celle de la Science et de la Raison !
Trebor Rehral,
ancien normalien de L’ENG de Quimper,
30 octobre 2016.
Une formulation laconique ; produit de décennies d’intéret, de lectures et de militantisme….
Une école unique, publique, laïque,obligatoire, gratuite…et riche.
Denis LOLLIER
3 novembre 2016