Au moment où le Parlement se préoccupe de relever la situation matérielle de l’instituteur, le hasard nous a fait découvrir une poésie qui nous représente le portrait du vieil instituteur tel qu’il existait dans la première moitié de ce siècle, sous la monarchie. Les vers sont de M. de Chabot. Il y a là un accent vrai qui plaît tour à tour et qui émeut.
Ce n’est pas un savant que mon pauvre bonhomme !
Mais il en sait assez ; il sait comment se nomme
Monsieur le Sous-préfet…. et monsieur l’Inspecteur,
De sonner l’Angélus il a toujours mémoire,
Et, le dimanche, assis dans sa chape de moire,
Il dort, les yeux ouverts, aux sermons du pasteur.
Il a le nez pointu, l’œil triste et pas de ventre ;
Ne se grise jamais, jamais…. quoiqu’il soit chantre,
Il est instituteur, greffier et sacristain :
Il met, à certains jours, assez bien l’orthographe
Et des autorités, déchiffre le paraphe….
Ce qui me fait penser qu’il sait le chaldéen.
Il cache maints talents sous un modeste voile :
Autrefois, dans sa classe, il faisait de la toile :
Il pèse habilement le tabac des fumeurs ;
Il sait un peu de tout…. et de mille autres choses…
Enseigne le plain-chant, écussonne les roses,
Et dans son jardinet fait pousser des primeurs ;
N’allez pas lui parler, pour Dieu, d’arithmétique,
D’histoire ou de grammaire et surtout de logique,
Il est bien trop sensé pour savoir tout cela!
Que voulez-vous de plus, pourvu qu’il les enseigne!
Plus d’un ne fait pas mieux qui pourtant le dédaigne ;
Je sais de grands savants de cette force-là.
D’après le CITOYEN, 7, cinquième année, 15 février 1913