Notre collègue, auteur d’un ouvrage publié sur le site internet de notre association, vient de disparaître à la fin du mois de mars 2017. Les visiteurs pourront prendre connaissance des témoignages de trois de ses collègues qui bénéficièrent de son engagement et de ses compétences, à différents moments de leur vie professionnelle :
Jean NEDELEC
Jean Nédélec nous a quittés à la fin du mois de mars à 97 ans.
La première fois que je l’ai rencontré, c’était aux vacances de pâques 1966. La FOL qui venait de créer les Clubs de Jeunes organisait un stage d’animateurs. Jean animait ce stage, il dégageait une sympathie et un enthousiasme communicatifs. Les jeunes amicalistes venus de tout le département retournèrent chez eux après avoir fait le plein d’idées pour faire fonctionner leur club. L’Amicale Laïque du Moustoir- Kernével, s’était engagée résolument dans cette démarche.
L’an passé, quand j’ai sollicité Jean pour publier son livre sur notre site internet, je lui ai rendu visite à l’Ehpad de Kerampéré accompagné de Robert Riou. A 96 ans, il utilisait sa messagerie tous les jours et faisait des recherches sur internet ! Je lui ai présenté notre site ASVPNF.com. Il a sans hésité donné son accord pour la publication de 1920-1980 « 60 ans de vie militante dans le Finistère » en me précisant qu’il n’était pas normalien. Je lui ai répondu : « c’est notre patrimoine commun que nous voulons défendre : celui des lois laïques de la 3ème République. »
Avant de le quitter, il a tenu à nous montrer que bien qu’en fauteuil roulant, il était autonome : avec un jeu de ficelles, il ouvrait la porte de sa chambre, la tirait derrière lui et rejoignait l’ascenseur ! Il était au rez-de-chaussée avant nous !
Adieu Jean et merci !
JC.POUPON, Secrétaire de l’ASVPNF.
Témoignage en hommage à Jean Nédélec
Jack Ralite disait un jour : « la laïcité, c’est une forme de tendresse ».
Cette formule, inhabituelle, m’avait aussitôt fait penser à Jean Nédélec… La laïcité à la fois comme engagement pour des valeurs, et une philosophie de vie vouée au bonheur de ses semblables.
Je ne suis pas un intime de Jean, mais je porte intimement son message.
Je l’ai bien connu à deux moments de nos vies.
Enfant du Polygone, j’ai fréquenté l’école publique des Quatre-Moulins. Jean a été mon maître d’école en CE1. Une « révélation » pour un gamin de 7 ans : un maître gentil ! (c’était encore l’époque des coups de règle sur les doigts). On écoutait des histoires et je découvrais, ébahi, la musique classique. Quelquefois il amenait un instrument ; c’est sans doute depuis que le son du saxophone me donne le plus d’émotion.
Le jeudi au Patro des 4 Moul’ encore en baraques, gardé par madame Le Gouil, je voyais mon maître, infatigable, organiser, animer, faire vivre l’éducation populaire. Là j’ai découvert le théâtre.
Il était déjà sur un piédestal ; mon père ouvrier admirait ses écrits (je sus plus tard qu’il s’agissait du Comité départemental d’Action Laïque dont Jean était un des principaux acteurs). Et j’étais fier aussi d’aller avec mon père lui acheter l’Humanité le dimanche matin rue Anatole France.
A la fin du primaire, alors que j’étais voué à faire les « arpètes », j’ai annoncé que non : « Je veux être comme Jean Nédélec ».
Et malgré l’enseignement technique, ce fut l’Ecole Normale, la nomination dans la terre des prêtres, le combat laïque, l’engagement politique, l’éducation populaire et… la FOL, Fédération des œuvres laïques. Sa maison.
Comme un chemin déjà ouvert. Une vie d’engagement. Merci Jean d’avoir communiqué ce souffle à beaucoup d’entre nous.
Sans nous être jamais tout à fait perdus de vue, j’ai retrouvé Jean au début des années 2000 : j’entrais au conseil d’administration de la FOL, lui en sortait. Le début de rencontres plus régulières.
Jean en a écrit des articles et des discours ! Son temps libre allait lui permettre d’aller au-delà : nous conter sa vie militante.
Ainsi est né le recueil « Avoir 20 ans en 40 », à partir d’un simple carnet où il avait noté au quotidien sa vie des années noires : une vie ballotée de chantiers de jeunesse en mobilisation, premiers postes d’enseignant, bombardements, la rencontre avec Marguerite, la résistance…
Son écriture semble d’une extraordinaire simplicité et pourtant elle sait allier une grande finesse de l’analyse politique des évènements, une critique incisive de l’adversité comme des erreurs de son camp, et surtout à travers le quotidien de la relation humaine, sa ferveur en tout ce qui est humain au-delà des croyances ou des appartenances.
Avec l’analyse documentée qu’il propose dans « Education populaire et luttes sociales », on mesure l’ampleur de sa culture et de sa réflexion. Historique, sociologique, politique, son étude de l’éducation populaire comme outil d’émancipation est toujours édifiante.
Et puis il y a son livre, dont il était fier à juste titre : « 1920-1980, 60 ans de vie militante dans le Finistère ».
Comme l’a dit André Fitamant, « Dans ce récit de vie, il n’y a point de héros mais des enfants, des hommes et des femmes ordinaires dont est faite l’espèce humaine. C’est une vie entière faite de simplicité, de maîtrise de soi, de pondération dans le jugement, efficace dans son champ d’action, ordonnatrice du beau, de l’harmonieux, du chaleureux… Pour donner un sens à l’existence et à l’action, c’est à la laïcité que Jean Nédélec se réfère… Il nous délivre le message d’un progrès qui ne vaut que s’il se construit en commun et qui n’est réel que si l’échange entre les hommes s’est enrichi… »
Toujours curieux d’apprendre, déjà âgé Jean s’était mis à l’informatique. « Formidable, non ! » m’avait-il lancé alors qu’il venait de réussir à insérer une photo dans le texte qu’il avait tapé.
Formidable ! C’était toi, Jean. Avec cette façon d’ouvrir les bras, la douceur du sourire, les mots simples.
Je te laisse le mot de la fin, c’était le tien : « Vive l’utopie ».
Yvon Drévillon
Souvenir militant…