Le prétendu « principe d’incomplétude » ne peut justifier le retour des professeurs de religion à l’école publique laïque et républicaine

On dira sans ambages, sur ce site  dédié à la défense de l’école publique laïque et républicaine,  que le « fait religieux »-expression dénuée en tant que telle de sens pour un citoyen ordinaire et de surcroît dépourvue de toute consistance rationnelle et scientifique- n’existe pas. Il n’y a donc pas lieu de l’enseigner dans ladite école sauf de vouloir délibérément remettre en cause un statut patiemment mis en place depuis Condorcet en passant par les lois scolaires de la 3è République et la Loi de séparation; à savoir : le curé à pied d’œuvre  dans son église et l’instituteur à l’oeuvre dans son école. Ce statut était et reste transposable à toute autre obédience !

Il existe nonobstant – ce n’est pas une découverte- des religions, des croyances et autres « organisations » sectaires toutes  porteuses d’obscurantisme, d’antiscience et  de cléricalismes.  Toutes sont responsables, à des degrés divers que les temps présents se chargent de révéler au grand jour,  d’aliénations et de souffrances  portées au paroxysme de l’intolérance dans  des processus inquisitoires ou des  guerres idéologiques. Il importe de bien  les connaître pour mieux les combattre et de ne pas sombrer dans la banalisation de crimes condamnés par la justice des hommes. Toutes, au fil des siècles, ont généré des « faits peu éclairants », historiquement avérés,  qu’il faut savoir décrire, analyser et qui doivent en effet faire l’objet de cours d’histoire et (ou) de  philosophie.

 

Mais en  aucun cas on ne pourra inférer sur ce site que  l’enseignement historique évoqué se doit d’être associé par essence ou par référence aux  contributions éminentes  de quelques philosophes contemporains en la matière, à un enseignement dévolu à la laïcité comme si  religions et laïcité étaient unies de  manière consubstantielle . Si en effet à force de manipulations et de  gesticulations on parvenait ainsi à proposer   « un enseignement laïque  du fait religieux »  voire  un « enseignement laïque des religions », pourquoi donc ne pas proposer plus directement un enseignement religieux de la laïcité ?

 En 2022 on ne peut ignorer -à moins de faire preuve d’amnésie coupable-  qu’à l’Ecole publique la réflexion sur la laïcité et  les valeurs  citoyennes républicaines intervient, depuis fort longtemps, lors des enseignements d’Instruction civique qui ont remplacé pour le progrès social et le bonheur de tous l’Instruction civique et religieuse !

Faut-il en effet  rappeler que la laïcité (non adjectivée) est  devenue au fils des siècles de notre histoire nationale- et au grand regret éternel de certains- le socle de la cohésion nationale, garantissant la stabilité de nos institutions et la fraternité sans laquelle rien n’est possible dans notre société démocratique?

Les violences liées  aux cléricalismes et obscurantismes  qui défient la Raison sont d’une telle prévalence qu’elles disqualifient définitivement les vertus postulées par certains et certaines institutions d’un enseignement du fait religieux au sein de l’Ecole publique. Elles conduisent aussi  à stigmatiser, avec la plus sévère rigueur, les  dérives à cet égard  initiées par des philosophes   et mises en oeuvre  par des politiciens bien intentionnés qui  portent atteinte  aux lois laïques, celles de  laïcisation et de Séparation des Eglises et de l’Etat.  .

L’enseignement du « fait religieux »  à l’école  représente donc une victoire pour ces détracteurs  des Lois de la République et permet de façon insidieuse de ramener  les « professeurs de religion  » de toutes obédiences à l’Ecole alors que leur place  se trouve exclusivement dans leurs églises , synagogues et autres temples des certitudes et justices divines.

C’est dans ce contexte  que  nous saluons et accueillons avec beaucoup d’intérêt sur ce site l’article publié le 2 février 2022 dans Mezetulle, le Blog revue de Catherine Kintzler, l’article (re) fondateur de Aline Girard  intitulé :

 

Les Français et l’enseignement du fait religieux

À propos d’une étude de l’Ifop habilement exploitée

 

Les visiteurs pourront le consulter  en cliquant ici ou en se rendant à l’URL : https://www.mezetulle.fr/les-francais-et-lenseignement-du-fait-religieux-par-ag/

Pour l’auteure «  le concept relatif à l’enseignement du fait religieux est entré comme par effraction dans l’école de la République et dans la société, par un coup de force clérical, largement inspiré par une Europe d’inspiration chrétienne-démocrate de plus en plus encline à étendre le champ d’intervention des religions”

Si un nouveau débat venait à intervenir sur le couplage, quelque peu oxymorique , entre  laïcité et enseignement du fait religieux, il ne doit pas résulter de la  simple volonté  politique récurrente de certains milieux  exerçant à l’usure une sorte de banalisation voire de négationnisme à l’égard   de principes républicains acquis de haute lutte. On se doit ici, à titre liminaire, rappeler quelques principes fondateurs en la matière  et fournir  quelques éléments  d’information relatifs à l’état des lieux :

 

1. Si « une démocratie doit être une fraternité sinon c’est une imposture » comme le clamait haut et fort A.de Saint-Exupéry, ce n’est pas en semant les germes de l’intolérance et de la violence que l’on évitera  telle imposture !

 

2. La laïcité repose sur trois principes : la liberté de conscience et celle de manifester ses convictions dans les limites du respect de l’ordre public, la séparation des institutions publiques et des organisations religieuses, et l’égalité de tous devant la loi quelles que soient croyances ou  convictions.

3. La refondation laïque de l’Etat, proposée dès 2004 par Henri  Pena-Ruiz  reste plus que jamais à l’ordre du jour.On relira à ce propos  son article  fondateur :

 

Laïcité : principes et enjeux actuels ; Cités 2004/2 (n° 18),  63 -75

 
On y retiendra notamment que :

-« Si le point de départ de tout État de droit en la matière consiste à prendre acte de la diversité des hommes en leurs options spirituelles, il ne peut pas plus se réduire à la diversité des religions qu’il ne peut prendre en considération qu’une religion. Il doit donc, plus largement, reconnaître la stricte égalité de droits des divers croyants, des athées et des agnostiques – sans définir négativement ceux qui n’ont pas de religion mais dont la vie spirituelle, quoique différente en ses modalités, n’en existe pas moins de façon positive. Les athées et les agnostiques, sinon, seront les éternels parents pauvres, comme les croyants le furent en Union Soviétique lorsque l’athéisme officiel du stalinisme entraîna des discriminations contre les religions.

– Le mot qui désigne le principe, laïcité, fait référence à l’unité du peuple – en grec, le laos – telle qu’elle se comprend dès lors qu’elle se fonde sur trois exigences indissociables : la liberté de conscience, étayée sur une conscience authentiquement libre, car autonome ; l’égalité de tous les citoyens, quelles que soient leurs options spirituelles ; et la visée de l’intérêt général, commun à tous, comme seule raison d’être de l’État.

– La laïcité réside dans l’affirmation simultanée de trois valeurs qui sont aussi des principes d’organisation politique : la liberté de conscience fondée sur l’autonomie de la personne et de sa sphère privée, la pleine égalité des hommes quelles que soient leurs options spirituelles (qu’ils soient athées, agnostiques ou croyants) et le souci d’universalité de la sphère publique, la loi commune ne devant promouvoir que ce qui est conforme à l’intérêt de tous. Cette universalité est prise en charge de deux façons simultanées, qui sont comme le recto et le verso d’une même exigence : d’une part, la neutralité confessionnelle, sous la forme radicale du caractère rigoureusement aconfessionnel de la sphère publique ; d’autre part, la promotion active de l’intérêt général, et des valeurs universelles qui en relèvent comme des biens qui le réalisent : l’instruction publique et l’éducation à la liberté qu’elle permet, les services publics, entre autres, remplissent le cahier des charges de l’État laïque. La dimension négative qu’exprime le caractère non confessionnel est donc intimement liée à la dimension positive d’une République soucieuse de n’affirmer que ce qui est commun à tous. Et ce bien commun, par définition, tend à élever chacun au meilleur de lui-même en le rendant maître de ses pensées, de son éthique de vie, de ses convictions spirituelles.

4. Selon  Yves Verneuil (2014) « certains pourraient considérer que la question des relations entre école et religion n’a pas à être posée dans le cas français : la laïcité, n’est-ce pas le fait que les religions doivent être absentes de l’école ? Il n’est pas sûr que la réponse soit si simple ; et pourtant la laïcité est parfois entendue de cette façon. ….Assurément, contrairement à ce qui est parfois affirmé, la laïcité n’est pas une exception française : d’autres pays l’ont mise en place, sous d’autres formes. Néanmoins, la « voie française » (P. Cabanel) est singulière. Pour l’expliquer, le détour par l’histoire est nécessaire ».Voir le détail à : https://www.cairn.info/revue-histoire-monde-et-cultures-religieuses-2014-4-page-13.htm

5 . Le point de vue de “Sciences Po”  présenté par Sylvie Postel-Vinay (2005) mérite aussi  attention :

« Le centenaire de la loi de séparation des Eglises et de l’Etat a donné lieu à une littérature abondante…Mais la laïcité est une des « passions françaises », qui suscite des débats récurrents : elle a ses militants et sa morale.Au moment où la querelle de l’enseignement privé, qui avait déchiré le pays pendant des décennies, trouvait un apaisement à la fin des années 1980 (querelle qui ne fait pas l’objet de la présente bibliographie), de nouvelles questions sont apparues, qui ont ravivé le débat à la veille du centenaire de la loi de 1905…  Ces questions ont renouvelé les débats philosophiques sur la laïcité, notamment sur ses liens avec la tolérance, et favorisé des comparaisons avec la situation dans les pays confrontés à des problèmes similaires.Faut-il modifier la loi de 1905 ? » (Cf.l’URL: https://www.sciencespo.fr/bibliotheque/fr/rechercher/dossiers-documentaires/laicite.html)

6. Selon Thucydide :”Association Thucydide-Conception”  créée afin de réunir les acteurs de l’Information, du Savoir et de la Culture autour d’un projet ambitieux : redonner au monde des médias d’information son rôle fondamental pour toute démocratie :;Informer pour comprendre les faits”, La laïcité de la République Française figure en bonne position dans le texte constitutionnel en vigueur, à savoir dans la Constitution de 1958. En effet, la laïcité est affirmée dès le premier article de notre Constitution qui dispose que « La France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale ». Si la République Française ne reconnaît et ne salarie aucun culte, comme le précise la loi du 9 décembre 1905, chaque français a droit à une appartenance religieuse ou à une non appartenance religieuse. » (Cf.l’URL :http://www.thucydide.com/realisations/comprendre/laicite/france.htm)

7. Au sujet de l’IREL (pour institut des religions et de la laïcité )mentionné dans l’article de  Aline Girard on pourra avantageusement découvrir les activités dudit  institut en allant à l’URL : https://irel.ephe.psl.eu/laicite. Il y apparaît entre autres  que : « un institut universitaire, s’appelant Institut d’étude des religions et de la laïcité, créé au sein de l’École Pratique des Hautes Études, a-t-il un lien avec la laïcité ? Répondre à cette question ne va pas du tout de soi pour ceux qui ne sont pas forcément familiers de l’histoire de l’enseignement supérieur et de la recherche”.

Si les éléments  réunis ici  sont loin d’être exhaustifs, ils semblent  suffisants pour montrer  qu’en 2022 la séparation de corps et de biens entre professeurs de religions et instituteurs à l’école publique n’est pas nécessairement un fait définitivement acquis par tous les amoureux de la République française. A l’instar de Catherine Kintzer, loin de souscrire au “fait religieux’” que l’on veut instaurer comme matière d’enseignement on invite, en toute humilité républicaine, à  bien se garder de “l’effet religieux” potentiellement clérical  et subrepticement   réintroduit  dans le cadre institutionnel de l’Ecole publique.
 
Que Catherine  Kintzler soit chaleureusement remerciée de nous avoir autorisé à reproduire l’article publié dans son Blog revue  afin de le représenter sur  ce site.