Les professeurs de mathématiques sont-ils des fatalistes ?

Le fatalisme est la doctrine selon  laquelle le cours des événements échappe à l’intelligence et à la volonté humaine, de sorte que la destinée de chacun  serait fixée à l’avance par une puissance unique et surnaturelle…  Cette doctrine est-elle donc devenue, au fil du temps et des réformes successives des programmes de l’Education nationale,  représentative de la situation présente des professeurs de mathématiques ?

Quoi qu’il en soit sur ce plan existentiel,  on ne peut manquer de relever,  le propos du Monde du  27 septembre 2022, sous la plume de Dominique Raulin (https://www.lemonde.fr/education/article/2022/09/27/la-destruction-progressive-de-l-enseignement-des-mathematiques-au-lycee-a-ete-enclenchee-a-partir-de-1993_6143320_1473685.html) …que« la destruction progressive de l’enseignement des mathématiques au lycée a été enclenchée à partir de 1993 ». Selon cet auteur, la désaffection des jeunes pour les sciences a commencé il y a près de trente ans avec une décision du ministre de l’éducation nationale François Bayrou. Il rappelle que  « le printemps 2022 a mis en évidence une réalité inquiétante : le manque de candidats aux concours de recrutement dans les disciplines scientifiques. Différentes raisons peuvent l’expliquer, notamment la désaffection des jeunes pour les sciences – qui n’est pas une spécificité française – mais aussi une suite de décisions politiques prises au cours des trente dernières années qui ont explicitement eu pour but de réduire l’importance des mathématiques dans l’enseignement secondaire ». On parle de désaffection, de désamour pour les mathématiques…

Cependant, il est de notoriété,  que la place des mathématiques au lycée d’enseignement général et technologique a fait l’objet, depuis plusieurs mois, d’une large réflexion. L’enjeu est double : doter tous les élèves de compétences solides et permettre à ceux qui le souhaitent de développer un niveau d’expertise élevé.

1 heure 30 en plus de mathématiques en  classe de Première générale

Un enseignement de mathématiques dans le tronc commun, à raison d’une heure et demie par semaine, est réintroduit pour l’année scolaire 2022/2023. Cet enseignement est proposé à titre facultatif à tous élèves volontaires de classe de 1ère générale qui n’auront pas choisi la spécialité mathématiques. Il permettra aux non-spécialistes de consolider l’apprentissage et la maîtrise des notions fondamentales et leur assurera un socle de connaissances et de compétences mathématiques utiles ( ??? ndlr)… pour la vie sociale et professionnelle (statistiques, probabilités, traitement de données etc.). 
 
S’agit-il de jouer les utilités?

Le programme de ce module spécifique consacré à un enseignement mathématique intégré à l’enseignement scientifique de la classe de première de la voie générale est conçu avec les intentions suivantes :

      Consolider la culture mathématique de tous les élèves et leur assurer le socle de connaissances et de compétences mathématiques qui leur sera nécessaire pour réussir leur vie sociale, citoyenne et professionnelle, quel que soit le parcours de formation qu’ils choisiront par la suite ;

     Réconcilier avec les mathématiques les élèves qui ont perdu le goût et l’intérêt pour cette discipline ; communiquer le plaisir de les pratiquer à travers des activités mettant en valeur leur efficacité et éclairer sur la place qu’elles jouent dans le monde contemporain ;

    Permettre à chaque élève d’appréhender la pertinence des démarches mathématiques et de développer des aptitudes intellectuelles comme la rigueur, la logique, l’esprit critique mais aussi l’inventivité et la créativité ;

     Assurer les bases nécessaires à la compréhension de phénomènes quantitatifs tels qu’ils sont mobilisés dans les différents champs disciplinaires et tels qu’ils permettent d’éclairer certains débats actuels. (Cf. https://www.education.gouv.fr/reussir-au-lycee/renforcement-des-mathematiques-en-1ere-generale-pour-l-annee-scolaire-20222023-341408). Ces intentions tardives nous paraissent louables  même si elles ne sont pas de nature à lever instantanément  la morosité des professeurs de cette discipline…

Mais suffit-il de vouloir bien enseigner les mathématiques (en ayant reçu au préalable tous les sacrements académiques y afférant) pour contribuer à former  le raisonnement et l’accès à la libre pensée  des élèves dans le sens de leur émancipation ?

A l’évidence  la réponse est négative  et notamment quand  on se réfère au propos de  Adrien Louis soulignant que «  pour revaloriser le métier d’enseignant, il faut d’abord revaloriser le désir de savoir ». Ceci doit également valoir pour les mathématiques. Cet auteur, lui-même enseignant de philosophie , « tire un bilan sévère de la manière dont ont été appliquées les récentes réformes, sans prendre en compte la réalité du terrain et en soumettant l’institution à des contraintes administratives et pédagogiques aussi absurdes que contradictoires. Selon lui, une telle politique dessert l’objectif premier de l’école, qui est de transmettre un savoir. » (Cf. https://www.philomag.com/articles/adrien-louis-pour-revaloriser-le-metier-denseignant-il-faut-dabord-revaloriser-le-desir) .

On devine toute la complexité et la difficulté du problème à résoudre .
On ne s’étonnera pas, dès lors, de questionnements émanant des parlementaires de notre République  à propos de l’avenir des mathématiques Ainsi dans un contexte politique qu’on ne peut occulter, on relèvera pour mémoire la question écrite suivante relative à la :…

 

« Situation de l’enseignement des mathématiques en France »

 

15e législature

Question écrite n° 26662 de M. Cyril Pellevat (Haute-Savoie – Les Républicains) publiée dans le JO Sénat du 10/02/2022 – page 694 . Cette question est accessible à https://www.senat.fr/questions/base/2022/qSEQ220226662.html

M. Cyril Pellevat attire l’attention de M. le ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports sur la situation de l’enseignement des mathématiques en France.

« Selon le dernier classement trends in international mathematics and science study (TIMSS) datant de 2019, pilotée en France par la direction de l’évaluation, de la prospective et de la performance (DEPP), le niveau des élèves français en mathématiques ne cesse de baisser. S’agissant du niveau des élèves de CM1, la France est classée dernière au sein de l’Union européenne, et avant-dernière pour les élèves de 4ème.

La discipline, plus que les autres, a souvent été réputée difficile, inutile, sélective et réservée à un certain type d’élèves appartenant à une certaine classe sociale. Depuis plusieurs années, les compétences des élèves baissent, le métier d’enseignant perd en attractivité et les réformes successives des lycées ont fermé la porte de la filière scientifique à de nombreux élèves. Pourtant, un bon niveau d’enseignement est la clé pour que ces derniers aient les moyens d’être les véritables acteurs de leur futur.Les mathématiques ayant été transformées en spécialité suite à la dernière réforme, celle-ci a renforcé les inégalités déjà existantes. Selon la note de la DEPP n°21-22 de mai 2021, «les mathématiques sont conservées en enseignement de spécialité par 60% des élèves principalement par les garçons et les élèves d’origine sociale très favorisée ».Malgré les rapports successifs sur l’enseignement des mathématiques en France, les propositions de mesures visant à redresser le niveau et les propositions de la commission de réflexion pour l’enseignement des maths n’ont pas été mises en œuvre et les moyens alloués ne sont pas suffisants. Cela entraîne une restriction des mathématiques aux applications professionnelles, une diminution de l’offre dans les lycées généraux et technologiques, un déficit des enseignants qualifiés et une baisse générale du niveau.Il lui demande donc ce qu’il compte mettre en place afin de renforcer la transmission de la discipline des mathématiques en France, en tenant compte des inquiétudes des professionnels du domaine. Par ailleurs, il lui demande ce qu’il compte faire pour renforcer l’attractivité des mathématiques chez les jeunes femmes qui ont davantage tendance à ne pas suivre cette spécialité »

 

 A total, il apparaît donc que la situation et l’état d’esprit des enseignants de mathématiques  s’ils restent pour le moins préoccupants ne semblent pas de nature à céder au fatalisme  Il semblerait plutôt  opportun  de lutter pour revaloriser la fonction enseignante, pour renforcer la  formation en  didactique  des  mathématiques telle qu’elle est  proposée dans les IREM  et autres instituts de formation des maîtres.  Il s’agit de prendre les moyens de  démystifier les maths dès la maternelle et le primaire et  de les faire aimer par les écoliers, collégiens et lycéens via l’entremise de pédagogues avertis et convaincus de l’importance de leur mission.

Ceci étant, les visiteurs de ce site pourront  consulter, Les professeurs de mathématiques sont des fatalistes Word l’article  de Mathieu Gibier paru dans Mezetulle, le blog revue  de Catherine Kintzler. Il est    intitulé :

  « Les professeurs de mathématiques

 sont-ils fatalistes ? » 

Il y apparaît que : « À la suite de l’annonce par le ministre de l’Éducation nationale du rétablissement de l’enseignement des mathématiques pour tous les élèves de première, Mathieu Gibier1 s’interroge sur le commentaire de la présidente de l’Association des professeurs de mathématiques au sujet d’un « module de réconciliation » avec les mathématiques pour les élèves de seconde en difficulté dans cette discipline2. Il serait, selon elle, « discriminant » de proposer à des élèves quelque chose qu’ils n’aiment pas… Au fond, c’est l’instruction elle-même qui, à ce compte, serait « discriminante » et il faudrait renoncer à instruire au nom de l’égalité. »

Peut-on vraiment envisager une « réconciliation » au moment où on parle de refonder l’école ?  Quels sont les chantiers prioritaires  en la matière ?…

Que Catherine Kintzler soit remerciée de nous avoir permis cette petite aventure dans le monde des mathématiques .