L’employeur ne peut pas interdire au salarié d’avoir une conviction religieuse. Toute sanction ou discrimination en raison de la religion du salarié est illégale. Le droit de manifester sa religion ne peut pas être interdit de façon générale et absolue.
Ce domaine essentiel de l’activité humaine dans notre République semble bien cadré sur le plan réglementaire. Ainsi selon le Ministère du Travail(URL : https://travail-emploi.gouv.fr/droit-du-travail/le-reglement-interieur-et-le-pouvoir-de-direction/article/fait-religieux-en-entreprise-guides-et-notions-cles,) :
« La liberté de religion est à la fois la liberté de croire ou de ne pas croire et de pratiquer une ou aucune religion. Elle est également la liberté d’en changer. Elle est protégée par plusieurs textes de portée nationale ou internationale. Il est cependant nécessaire d’apporter quelques précisions sur la notion de liberté fondamentale et ses conséquences.
Il convient de distinguer la liberté de croyance et la liberté de manifester cette croyance. Toutes deux constituent des libertés fondamentales mais la première est absolue tandis que la seconde peut être restreinte dans des conditions strictement encadrées. C’est de la liberté de manifester ses convictions religieuses dont il est question dans ce guide. Il ne s’agit en aucune manière de traiter des convictions religieuses des individus, fût-ce dans le cadre de la relation de travail.
La laïcité : concept et contenu :
La laïcité, dont l’origine se trouve dans l’article 10 de la déclaration des droits de l’homme et du citoyen, est reprise dans l’article 1er de la Constitution du 4 octobre 1958 qui dispose que : « La France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale. Elle assure l’égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d’origine, de race ou de religion. Elle respecte toutes les croyances… »
La neutralité de l’État s’entend d’abord comme l’absence d’appartenance religieuse de l’État qui est aconfessionnel, ce qui entraîne des obligations pour les agents, à savoir l’absence de manifestations religieuses.
C’est donc l’État qui est laïque, indépendant de toute organisation religieuse, les citoyens étant, eux, libres de manifester leur croyance, dans le respect de l’ordre public.
Le Conseil constitutionnel explicite ainsi le principe de laïcité :
« […] le principe de laïcité figure au nombre des droits et libertés que la Constitution garantit ; qu’il en résulte la neutralité de l’État ; qu’il en résulte également que la République ne reconnaît aucun culte ; que le principe de laïcité impose notamment le respect de toutes les croyances, l’égalité de tous les citoyens devant la loi sans distinction de religion et que la République garantisse le libre exercice des cultes ; qu’il implique que celle-ci ne salarie aucun culte »
Conséquences du principe de laïcité :
Conséquence du principe de laïcité reconnu par la Constitution qui assure le « respect de toutes les croyances », la neutralité, étant entendue comme l’absence de manifestation des convictions religieuses, s’impose à l’Etat et à ses agents, dans leurs relations avec les citoyens (et avec les Eglises). Elle s’impose également aux agents employés par des entreprises privées gérant un service public.
En revanche, l’entreprise privée n’est pas tenue à une obligation de neutralité. Au contraire, elle se doit de respecter la liberté de ses salariés, ainsi que de ses clients, de manifester leur religion, dans les limites du bon fonctionnement de l’entreprise.
Ainsi « …c’est la République c’est-à-dire l’État, qui est laïque, tandis que la société civile reste gouvernée par la liberté de religion ». Dans tous les cas une obligation de non-discrimination s’impose à tout employeur, public ou privé.
Le principe de non-discrimination et les différences de traitement admises
Le Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 auquel renvoie le Préambule de la Constitution du 4 octobre 1958 prévoit que « nul ne peut être lésé dans son travail en raison de ses origines, de ses opinions ou de ses croyances« . Il est complété par différents textes de portée nationale ou internationale, notamment, en droit français, par le code du travail et le code pénal qui prohibent les différences de traitement considérées comme discriminatoires. Parmi ces critères figure l’appartenance vraie ou supposée à une religion.
Le principe de non-discrimination, posé par le code du travail, ne fait pour autant pas obstacle à des différences de traitement. Celles-ci peuvent être justifiées « lorsqu’elles répondent à une exigence professionnelle essentielle et déterminante et pour autant que l’objectif soit légitime et l’exigence proportionnée ». Cela n’est généralement pas le cas en matière religieuse. Les situations dans lesquelles l’appartenance à une religion peut justifier une différence de traitement sont très limitées et tiennent le plus souvent à la nature même de l’entreprise : le cas particulier des entreprises de tendance.
On désigne ainsi « les entreprises qui ont une orientation idéologique marquée, laquelle, connue de tous, peut imposer certaines obligations particulières aux salariés soumis par ailleurs aux règles du droit du travail : Églises, écoles religieuses, syndicats, partis politiques ». Dans ces entreprises de type très particulier il est admis que des restrictions plus importantes puissent être apportées aux libertés de certains de leurs salariés. Les réponses présentées dans ce guide ne peuvent toutes convenir aux entreprises de tendance. Ce guide ne traite pas de ces questions spécifiques( ??? ndlr).
La loi du 8 août 2016 sur le travail s’inscrit dans la continuité des principes rappelés ci-dessus.
Le cadre spécifique en droit du travail
La loi du 8 août 2016 sur le travail complète ce cadre en donnant une base juridique claire aux entreprises qui souhaitent instaurer une neutralité religieuse dans leur règlement intérieur
Le nouvel article L. 1321-2-1 donne la faculté à l’employeur d’introduire dans son règlement intérieur des dispositions instaurant une neutralité au sein de l’entreprise, qui conduit à limiter l’expression des convictions personnelles, notamment religieuses, des salariés. Cette possibilité n’est toutefois pas absolue car dans le secteur privé, la neutralité ne s’impose pas comme dans les services ou entreprises exerçant une mission de service public et la liberté reste la règle. L’inscription dans le règlement de la neutralité doit donc se faire à certaines conditions qui reprennent les critères dégagés antérieurement par la jurisprudence.
proportionnée au but recherché.
Pour mémoire, l’article L. 1321-4 du code du travail prévoit que « Le règlement intérieur ne peut être introduit qu’après avoir été soumis à l’avis du comité d’entreprise ou, à défaut des délégués du personnel ainsi que, pour les matières relevant de sa compétence, l’avis du comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail »
Concrètement, la mise en place de la neutralité pourra être justifiée :
–par les nécessités de l’activité de l’entreprise tant au regard du personnel que des tiers intéressés : le contact permanent avec de jeunes enfants par exemple. C’est ainsi que les juges ont jugé licite la clause du règlement intérieur d’une crèche imposant la neutralité à ses salariés. Pour ce faire, ils ont apprécié de façon très concrète les conditions de fonctionnement de la structure : la dimension réduite de celle-ci impliquait que ses dix-huit salariés étaient ou pouvaient être en relation directe avec les enfants et leurs parents.
-ou lorsqu’une pratique religieuse individuelle ou collective porte atteinte au respect des libertés et droits de chacun. Cela peut concerner par exemple les atteintes au droit de croire ou de ne pas croire (dans le cas de pratiques prosélytes ou de comportements qui exercent une pression sur d’autres salariés), l’égalité entre les femmes et les hommes, ou de façon plus générale des atteintes à la dignité et au respect de la personne humaine.
Enfin et sans préjudice des obligations de consultation légales, lorsqu’ apparaît la nécessité de mettre en place ce type de clause, le ministère du travail invite vivement les employeurs à procéder à une démarche de concertation avec la communauté de travail en privilégiant les échanges avec les représentants du personnel et les organisations syndicales. Il en va d’une meilleure appropriation du règlement intérieur.
Plus généralement, le ministère du travail souligne l’intérêt d’un dialogue étroit entre l’employeur et les représentants des salariés sur le sujet du fait religieux lorsque l’entreprise y est confrontée. Les instances représentatives du personnel doivent être pleinement associées aux décisions prises par l’employeur au titre de leurs attributions respectives.
Pour lutter contre les comportements qui remettent en cause l’égalité entre les femmes et les hommes, l’employeur et les représentants du personnel pourront se fonder sur la notion d’agissement sexiste.
Cette notion a été introduite dans le code du travail par la loi du 17 août 2015 sur le dialogue social et l’emploi et ses implications ont été précisées par la loi du 8 août 2016 sur le travail.
L’article L. 1142-2-1 prévoit ainsi que « Nul ne doit subir d’agissement sexiste, défini comme tout agissement lié au sexe d’une personne, ayant pour objet ou pour effet de porter atteinte à sa dignité ou de créer un environnement intimidant, hostile, dégradant, humiliant ou offensant. »
-avoir une conduite verbale ou une posture corporelle qui montre de l’hostilité envers une personne en raison de son sexe ;
-ne pas prendre les compétences d‘un ou d’une salarié(e) au sérieux et l’humilier en raison de son sexe.
Depuis la loi du 8 août 2016 sur le travail, les entreprises doivent à présent mentionner dans leur règlement intérieur les dispositions du code du travail relatives aux agissements sexistes au même titre que celles relatives aux harcèlements moral et sexuel. Les agissements sexistes font également partie des sujets dont les employeurs peuvent s’emparer, notamment en prévoyant des mesures de prévention au titre de leur obligation de santé et de sécurité ».
Ainsi si les éléments de référence semblent bien ordonnés, il reste à savoir comment ils sont mis en œuvre au sein de l’entreprise. On n’en veut pour preuve indirecte que le communiqué de la Ligue des Droits de l’Homme en date du 15 octobre 2022 relayé par le CLR (Comité Laïcité République (Cf . https://www.laicite-republique.org/signes-religieux-au-travail-la-justice-de-l-ue-tranche-en-faveur-de-la-laicite.html) et faisant suite à l’arrêt de la Cour de Justice Européenne ( CJUE) du 13 octobre 2022 relatif au :
Port des insignes religieux sur les lieux de travail
Cet arrêt fait apparaître que : « Une règle interne d’une entreprise privée interdisant le port de tout signe visible de convictionspolitiques, philosophiques ou religieuses sur le lieu de travail n’est pas constitutive d’une discriminationdirecte « fondée sur la religion ou les convictions », au sens de cette disposition, dès lors qu’elle vise indifféremment toute manifestation de telles convictions et traite de manière identique tous les travailleurs de l’entreprise, en leur imposant, de manière générale et indifférenciée, notamment, une neutralité vestimentaire s’opposant au port de tels signes. »
Les visiteurs pourront consulter le communiqué de la LDH (pdf) en cliquant ici (document 1)
Ils pourront également prendre connaissance d’un extrait d’ article paru dans Le Droit Ouvrier, février 2018,N° 835, 86-89 en cliquant ici (document 2). Il s’intitule :
La laïcité, et si on en parlait
Il résulte de l’activité du groupe de travail laïcité mis en place en 2016 au sein de la CGT et piloté par Nathalie Verdeil . Il comporte des extraits dévolus à la neutralité dans l’entreprise et aux revendications religieuses qui y ont cours(Cf. https://ledroitouvrier.cgt.fr/IMG/pdf/201802_document_1.pdf)