(suite, avril 2024)
Le décours des nouvelles en matière de « dérives » dans les institutions religieuses conduit parfois à différer leur mise en ligne sur ce site afin de les examiner en faisant référence à la laïcité républicaine et à son respect selon les termes de la Loi. Une attention particulière est portée au dossier de suivi des dérives ayant cours au sein de l’Eglise en matière de pédophilie ,de dérives sectaires et d’emprises à caractère sexuel telles que documentées sans faiblesse dans le quotidien La Croix que l’on ne peut a priori accuser de partialité en ces domaines !…
C’est à ce titre que l’on pourra consulter ici-même :
1 . Les écoles où le mérite s’hérite
Golias news,20 mars 2024
https://www.golias-editions.fr/2024/03/20/les-ecoles-ou-le-merite-sherite/
Les élites françaises se reproduisent. Elles s’arrogent des cursus sélectifs, qui leur décernent un capital symbolique qui les distingue du commun des mortels. L’affaire Oudéa-Castéra a mis un coup de projecteur sur les écoles de l’élite et les stratégies de la haute bourgeoisie pour y placer leurs enfants. De quoi tordre le cou au mythe du mérite.
Si le portrait de la France n’est pas réjouissant, il suit une certaine logique. Une industrie qui a presque disparu après des années de délocalisations et de ventes des fleurons nationaux à des groupes financiers, hexagonaux ou étrangers. Des pans entiers de l’Etat qui ne fonctionnent plus : en totale déshérence, l’école a été transformée en gare de triage ; les délais d’intervention sont si longs aux urgences hospitalières que plusieurs syndicats de soignants évaluent à 1 500 le nombre de morts qui pourraient être évitées chaque année si des moyens en adéquation avec l’activité étaient octroyés. L’hôpital et l’école ne sont que les exemples les plus visibles de l’asphyxie des services publics. Des ‘‘réussites’’ qui résultent d’une politique de réformes permanentes vantée par les élites politiques, qui ne tiennent pas compte des protestations de l’opposition.
Ces élites se félicitent en revanche des records que battent les profits et les distributions de dividendes. Les grands groupes français constituant le CAC 40 ont réalisé près de 154 milliards d’euros de profits en 2023. Un montant inégalé qui a donné lieu au paiement d’un peu moins de 68 milliards d’euros de dividendes et de 30,1 milliards de consacrés aux rachats d’actions. Les profits totalisaient 142 milliards en 2022, à la suite déjà d’une forte poussée. « Il aura fallu aux entreprises du CAC 40 plus de dix ans après la crise financière de 2008 pour franchir la barre des 100 milliards d’euros par an, souligne Arnaud Girod, responsable de la recherche économique et de la stratégie chez le courtier Kepler Cheuvreux (Le Monde, 07.03.24). La crise due au Covid leur a permis de crever ce plafond de verre. Et depuis, elles parviennent à maintenir des niveaux de profits élevés. »
Cette augmentation des inégalités se déroule en totale déconnection d’avec les aspirations populaires, comme le montre le Baromètre d’opinion publié l’été dernier par le service des études et de la recherche du ministère des Solidarités et de la Santé. Il est réalisé chaque année, depuis 2000, auprès de 4 000 Français pour recueillir leur opinion à l’égard de la santé, de la protection sociale et des inégalités sociales. Pour les deux-tiers des personnes interrogée considèrent comme « normal » le montant consacré au financement de la protection sociale (33 % du revenu national). Parmi le tiers restant, elles sont autant à déclarer ce montant excessif qu’insuffisant (17 %).
2. La méritocratie, ce mythe
https://www.golias-editions.fr/2024/03/20/la-meritocratie-ce-mythe/
Après l’épisode Oudéa-Castéra, cette ministre issue du monde du privé et des gros patrimoines, les projecteurs ont été placés à nouveau sur la fabrique scolaire de l’élite et des barrières sociales qui la protège de la concurrence avec la masse de la population. Ces cursus, débouchant sur les écoles de commerce, Science Po et l’Institut national du service public (ex-ENA), permet des carrières dans la haute-fonction publique (ambassades, Cour des comptes, Conseil d’État ou Inspection des finances) ; mais aussi l’accès aux cabinets ministériels, au gouvernement, voire l’Elysée, sans oublier les grands médias ou les postes de direction au sein du CAC 40.
Plusieurs livres analysent ces cursus. Celui du Le sociologue Paul Pasquali – « Héritocratie ? Les élites, les grandes écoles et les mésaventures du mérite (1870-2020) », Paris, La Découverte, 2021, 320p. – est important parce qu’il complète la thèse habituelle de l’école de Pierre Bourdieu sur les stratégies des familles bourgeoises en étudiant le rôle que jouent, dans le même sens que ces familles, les grandes écoles et leurs filières sélectives.
Au passage, il tort le cou au mythe de la méritocratie, aujourd’hui mais également lors de la IIIe République, une période qui apparait dans le débat public comme l’âge d’or de l’avancement au mérite. Les écoles de l’élite ont toujours combattu les demandes d’ouverture venant de la société. Le Front populaire avait l’ambition de démocratiser l’accès aux hautes fonctions de l’État. Dans sa ligne de mire, l’ancêtre de Science Po. Mais le projet très progressiste de Jean Zay, ministre de l’Enseignement dans le cabinet Blum, a été contré par la droite, les centristes, le patronat, parmi lesquels on comptait un grand nombre d’anciens élèves de cette école.
3. Une profonde blessure
https://www.golias-editions.fr/2024/03/19/une-profonde-blessure/
Jean-Guy Nadeau est professeur honoraire à la Faculté de théologie et des sciences des religions de l’Université de Montréal. Spécialiste en théologie pratique et en analyse sociale, il est l’un des premiers experts dans le domaine des abus sexuels du clergé. Dans son livre Une profonde blessure1, il expose les conséquences humaines et spirituelles des abus sexuels dans l’Église. Il esquisse également une analyse des causes, le cléricalisme en étant la principale. Les extraits qui suivent concernent uniquement cet aspect.
Un cléricalisme tenace
Combien de fois depuis la crise des abus sexuels dans les années 1980 a-t-on entendu le pape ou les évêques dénoncer l’animosité du monde à l’égard de l’Église ou encore affirmer leur foi dans le travail de l’Esprit Saint ? Ces affirmations sont devenues gênantes, surtout le recours à l’Esprit Saint qui guide son Église alors que le monde séculier a compris beaucoup plus rapidement tout le mal fait aux enfants ! Le cardinal Ratzinger, à la veille de son élection comme pape Benoît XVI était plus circonspect : « Il y a trop d’exemples de papes que l’Esprit Saint n’aurait évidemment pas choisis 2. » On parlera donc du cléricalisme comme d’un système puissant qui rend l’Église peu perméable à la Parole ou à la Lumière de l’Esprit. Un système clos dans lequel on se protège contre la vérité. (…)
L’Église catholique est gouvernée par une structure hiérarchique dans laquelle les responsables ont très peu de compte à rendre et ne les rendent qu’à des gens comme eux qui sont aussi célibataires et prêtres. Les pouvoirs exécutifs, législatifs et judiciaires sont entre les mains des mêmes personnes, comme le souligne la Commission royale australienne (vol. 16, t.1, p.44). Ces clercs prennent leurs décisions derrière des portes closes, sans transparence aucune, et gèrent comme ils le veulent les avis d’experts laïcs qu’il leur arrive de consulter, mais qui n’ont aucun pouvoir sur les décisions, à peine leur mot à dire, en fait, et sont exclus de ce leadership ecclésial fermé sur lui-même. Dans cette structure, les nominations relèvent de l’adhésion à la culture et aux fonctionnements de l’Église. (…) Tout se passe pour plusieurs comme si un statut plus élevé dans cette hiérarchie équivalait à être un bon serviteur selon le cœur de Dieu, voire à être plus proche de Dieu.
Le déséquilibre du pouvoir est notable entre les clercs et les laïcs. La constitution Lumen Gentium de Vatican II, pourtant célébrée comme un grand pas en avant par rapport à la mentalité précédente, affirme : « Le Christ Seigneur pour paître le Peuple de Dieu a institué des ministères variés qui visent au bien de tout le corps » (LG 18). Oui, il s’agit bien de paître, et cela reste le vocabulaire actuel ! Ainsi, le pape François convoque les prêtres et les évêques à être « des pasteurs pénétrés de ‘l’odeur de leurs brebis’ », c’est-à-dire « au milieu de leur troupeau3 » Belle image pastorale, mais qui confirme on ne peut mieux la différence radicale dans ce système entre le pasteur et les brebis.
Le gouvernement ecclésial relève d’une monarchie pyramidale sur le plan diocésain comme sur le plan mondial. Bien qu’une certaine supervision soit effectuée par le Vatican (et donc par d’autres clercs), ni les diocèses ni les communautés religieuses n’ont vraiment de compte à rendre, surtout pas à quelque organisation laïque ou civile que ce soit. (…)
Le cléricalisme viendrait aussi des laïcs !
À la suite du rapport du grand Jury de Pennsylvanie qui a fait le tour du monde, le pape François a appelé tous les baptisés à lutter contre le « cléricalisme » dont il les fait complices4 : « Le cléricalisme est une attitude négative. Et elle est complice, car elle se fait à deux, comme le tango qui se danse à deux 5. » Le mois suivant, Mgr Aupetit, l’archevêque de Paris, reprenant le propos du pape, demandera lui aussi leur aide aux laïcs dans la lutte contre le cléricalisme, pour lequel il leur attribue une part de responsabilité : « Les fidèles ont peut-être trop attendu du prêtre, projetant sur lui quelque chose qui n’appartient qu’à Dieu 6. » Le propos est choquant. (…)
Ce ne sont pas les laïcs qui ont construit la théologie du sacerdoce, de la potestas sacra (puissance sacrée) du prêtre alter Christus (autre Christ). Ce ne sont pas non plus les laïcs qui ont déterminé la formation dans les séminaires. Ce ne sont pas les laïcs qui refusent l’ordination des femmes. Ce ne sont pas les laïcs qui décident de modifier le Droit canonique. Ce ne sont pas les laïcs qui résistent à l’application des demandes de la Commission pontificale pour la protection des mineurs ou même aux normes contre les abus sexuels envoyées par le Vatican aux évêques du monde entier. Et ce sont les laïcs qui peuvent régler cela !
Ce slogan qui demande aux laïcs de collaborer est presque indécent. Quelle belle démonstration de cléricalisme, tout en le dénonçant ! Comme si la théologie du ministère ordonné, toute écrite par des prêtres, n’avait pas magnifié la figure du prêtre au-delà de toute décence, en inventant son identité d’alter Christus (autre Christ), puis en la faisant déborder sur tout son être. Comme si c’était un laïc et non le pape Jean-Paul II qui avait magnifié la figure du prêtre, alors que ce dernier était déjà au courant des abus sexuels commis par les prêtres.
Heureusement, les laïcs n’ont pas attendu le pape François ou Mgr Aupetit pour apporter leur contribution. Sinon, on en serait encore en 1985, voire en 1960-70, au plus fort des abus. Mais on fait semblant de ne pas voir ce qu’ils ont fait. Ni qu’on leur a constamment résisté. Les laïcs ont dévoilé les abus dont eux ou leurs enfants ont été victimes. Ils ont dénoncé ces crimes dans les (méchants) médias et même au cinéma. Ils ont été l’objet d’opprobres, comme l’ont reconnu les évêques chiliens et le pape François en mai 2018. Ils ont été accusés de calomnie, même par ce pape pourtant sympathique aux victimes. Ce sont des laïcs qui ont été membres de différentes commissions d’enquête aux États-Unis, en Irlande, en Australie, en Allemagne, etc. Ce sont des laïcs qui étaient membres du grand jury de Pennsylvanie, dont le rapport a déclenché la convocation à Rome « sur la protection des mineurs » et la publication du motu proprio Vos estis lux mundi sur la gestion des allégations d’abus. Par ailleurs, ce ne sont pas les laïcs qui peuvent modifier la théologie romaine, fût-elle réputée universelle, le Droit canon, la liturgie, les signes cléricaux, etc. Tout au plus peuvent-ils y participer. Si on les y invite. Si on les écoute sérieusement. Mais ils n’ont aucun pouvoir décisionnel dans le gouvernement ecclésial.
Je parlerai donc d’un cléricalisme aveugle sur ses sources et ses constructions théologiques, un cléricalisme fermé à toute critique. Depuis des décennies, des théologiens et des théologiennes dénoncent et analysent le cléricalisme, mais s’en trouvent soupçonnés d’hérésie, voire sanctionnés par la Congrégation pour la doctrine de la foi, qui paraît cependant moins portée sur la chose depuis l’élection du pape François. (…)
La théologie du ministère, le prêtre alter Christus
Le Directoire pour le ministère et la vie des prêtres considère le prêtre comme un frère qui agit au nom du Christ-Tête et pasteur, un père, un médiateur, fils de la Vierge Marie, etc. Les identités s’accumulent, comme c’est la norme dans les textes du Magistère sur les prêtres. On comprendrait que le prêtre lui-même soit perplexe sur son identité. Chose certaine, à tout le moins, il est supérieur à tous, même à la Mère du Seigneur. Pas seulement représentant du Christ mais autre Christ. Dans mon enfance, on racontait que, si la Vierge Marie et un prêtre se présentaient en même temps à une porte, c’est le prêtre qui avait la préséance. Ce n’est jamais écrit ainsi, mais à force de représenter Dieu et d’agir en son nom même à l’extérieur de la fonction sacramentelle, c’est là qu’on arrive. (…)
Bien que le terme ne soit pas utilisé comme tel, la théologie d’un changement ontologique du prêtre fait problème à plusieurs. Cette conception théologique n’a évidemment aucun fondement empirique ni même évangélique. Nous sommes dans le domaine de la religion, et non de la foi, et cela pourrait toujours aller. Sauf que cette affirmation porte une lourde dose de supériorité contre laquelle les papes ont récemment réagi, signifiant ainsi que ce sentiment est bien réel et ne constitue pas l’exception. « Les clercs se sentent supérieurs, ils sont très distants du peuple 7 », affirmait le pape François. Il sentait ailleurs le besoin de préciser : « La configuration du prêtre au Christ-Tête (…) n’entraîne pas une exaltation qui le place en haut de tout le reste. Dans l’Église, les fonctions « ne justifient aucune supériorité des uns sur les autres » (8). » S’il faut le préciser, c’est que l’expérience montre le contraire. Même lorsque le prêtre est renvoyé de l’état clérical (l’expression officielle dans le Droit canonique), il ne perd pas ce caractère ontologique, si ce n’est par une décision spéciale du pape. Ce qui suggère que le pape, même hors d’un acte sacramentel, aurait le pouvoir de modifier ontologiquement un être humain. Est-ce le sommet du cléricalisme ou du papisme ? Je ne sais. Quoi qu’il en soit, le prêtre que l’ordination dote aussi d’un pouvoir sacré (sur le plan liturgique), en devient lui-même un être sacré, extrait du monde9, au-dessus, et ce n’est pas sans raison que le pape François demande aux prêtres de sentir la brebis ou la chèvre. Selon cette théologie, ils n’en sont plus. (…)
Devant le spectacle de certaines ordinations, mais surtout la foule de prêtres et d’évêques qui s’y presse parfois, il faudrait penser à des ordinations moins triomphalistes. Tout se passe comme si ce sacrement était le plus important de la vie de l’Église, plus même que le baptême. (…) De telles célébrations contribuent fortement à assurer le statut supérieur du prêtre. Et d’abord aux yeux du jeune prêtre lui-même, pour qui se sont déplacés tous ces gens importants et très occupés. Contrairement aux discours papaux, le prêtre n’est pas un frère parmi les frères. Ce que disent ces célébrations, c’est qu’il est extrait du monde des frères pour devenir un clerc parmi les clercs. Jean-Guy Nadeau, en partenariat avec le blog : Dieu maintenant
1. Jean-Guy Nadeau, Une profonde blessure, Médiaspaul 2020.
2. Cardinal Ratzinger « Entrevue avec Avvenire 1997 », Avvenire, 12 mars 2013
3. Pape François, Homélie, Messe chrismale du Jeudi saint, Basilique vaticane, 28 mars 2013.
4. Pape François, Lettre au peuple de Dieu, 20 août 2018.
5. Pape François, Entretien du pape François avec l’Union internationale des supérieures générales (UISG), Vatican, 12 mai 2016.
6. Mgr Aupetit : « Les fidèles doivent nous aider dans la lutte contre le cléricalisme », Vatican News, 8 sept 2018.
7. Pape François, Homélie devant les membres du Conseil des cardinaux, 13 décembre 2016, n° 104.
8. Pape François, exhortation apostolique Evangelii gaudium sur l’annonce de l’Évangile dans le monde d’aujourd’hui, 24 novembre 2013, n° 104.
9. Ignace Maduku Ndongala et Ruphin Isay Onkiri, Le sacerdoce : un métier vocationnel ? chap. 2.
4. Lâcheté
https://www.golias-editions.fr/2024/03/26/lachete/
Notre président a dit que face à l’invasion de l’Ukraine par la Russie l’Occident ne devait pas faire preuve de lâcheté. Je pense qu’il a raison face à la situation actuelle. La lâcheté serait le pire des comportements.Elle est pire même, disait Péguy, que la méchanceté effectivement agissante. Car celui qui fait a au moins le courage de faire, tandis que celui qui laisse faire, à son refus d’agir ajoute la poltronnerie. Le silence des pantoufles est pire que le bruit des bottes. Ne pas intervenir quand survient une agression est s’en rendre complice. Et complice, concluait Péguy, c’est pire qu’auteur, infiniment pire. On nous dit que dans un monde désormais multipolaire il n’y a pas lieu de défendre un Occident qui s’est discrédité dans le passé par la colonisation, et en voulant imposer ses valeurs et son modèle à l’ensemble de la planète. C’est un fait que l’Occident porte ici le poids de sa culpabilité, qui peut toujours le pousser à ne pas intervenir dans les conflits extérieurs : ainsi fit le président états-unien Obama en 2013 en Syrie, sans penser que sa décision de non-intervention pouvait pousser le président russe à en profiter pour envahir et annexer la Crimée un an plus tard.
5. « Nous parents catholiques d’enfants homosexuels »
https://www.golias-editions.fr/2024/03/06/nous-parents-catholiques-denfants-homosexuels/
Dans cette interview, des parents fondateurs de Reconnaissance, association de parents catholiques d’enfants homosexuels, racontent leur itinéraire et la genèse de leur association. Comment l’homosexualité de leur enfant a percuté leurs vies de paroissiens engagés et les a menés sur un chemin de conversion, marchant de façon inattendue vers ce que l’Église nomme les « périphéries ». Comment ils veulent donner à voir, à l’intérieur de l’Église, des réalités dignes de l’Évangile. Et à ceux qui les soupçonnent de vouloir détruire les fondements de l’Église, ils répondent qu’ils veulent au contraire agrandir la maison.
Golias Hebdo : Comment est née votre association ?
Reconnaissance : Tout est parti d’un groupe de parole pour parents et proches de personnes homosexuelles, qui s’est créé il y a dix ans à la Maison des Familles du diocèse de Nanterre. Il s’agit d’accueillir une fois par mois, en compagnie d’une thérapeute, des familles qui, apprenant l’homosexualité de leur enfant, ont besoin de partager leurs interrogations, de se confier, d’échanger autour de leur « coming out de parents », notamment auprès de l’entourage familial et amical.
Près de 200 familles sont passées par ces groupes, parfois brièvement, parfois sur plusieurs années. Les histoires se ressemblent : souvent une grande sidération, l’homosexualité étant un sujet invisibilisé, pour ne pas dire diabolisé, dans les milieux catholiques. Les mêmes questions reviennent : est-ce pour toujours ? Suis-je responsable ? Il (ou elle) sera-t-il heureux(se) ? Sans parler du choc du discours de l’Église : au-delà des paroles gênées ou maladroites de certains clercs, les paragraphes du Catéchisme de l’Eglise catholique sur l’homosexualité sont d’une violence inouïe pour des parents. Dans toute famille, toute culture, le chemin est complexe, lorsqu’on se découvre homosexuel. Dans les milieux catholiques, malheureusement, plus la famille est engagée dans l’Église, plus le sujet est inflammable. Nos enfants ont tous été blessés au plus profond d’eux-mêmes par ce qu’ils ont entendu à l’aumônerie, aux scouts, lors de retraites, dans leurs écoles… Ils ont été en grande souffrance, certains ont eu des pensées suicidaires. D’où ce besoin, pour les parents et proches, de se retrouver et de partager, en confiance.
G. H. : Peut-on revenir sur ce que vous avez ressenti, vous, au moment du coming out de vos enfants ?
Reconnaissance : Nous étions tous des croyants engagés : catéchisme, scoutisme, équipe d’animation pastorale, préparation au mariage, mouvements d’action catholique… Il y avait parmi nous des différences de degrés dans la liberté intérieure par rapport au discours de l’Église, mais, pour tous, l’annonce de l’homosexualité de nos enfants a été d’abord un choc, auquel nous n’étions nullement préparés : notre modèle familial, leur modèle, était exclusivement hétérosexuel. En découvrant une réalité dont nous ignorions presque tout, nous avons dû faire le deuil de tout ce que nous avions pu projeter pour eux, et vécu l’événement dans l’angoisse. Peur pour leur bonheur, pour leur avenir, découverte de ce par quoi ils étaient passés, de leur solitude parfois depuis l’enfance, de leur cheminement jusqu’au coming out… Et puis, il y avait aussi la question du regard des autres, de la religion, de l’interdit, d’un imaginaire homosexuel qui, d’ailleurs, ne correspondait pas du tout à ce que nous observions.
À ce choc d’une nouvelle inattendue s’en est ajoutée un autre, et non des moindres. Sur le sujet, l’Église, qui est notre famille et notre maison, ne fait qu’ajouter de la souffrance à la souffrance. Nos enfants nous l’ont tous dit, elle a accentué leur profonde détresse. Cela nous a révoltés : pour nous, l’Église est avant tout le lieu de transmission de l’amour miséricordieux du Christ. Nous nous sommes alors penchés sur les textes. Entre autres, l’encyclique Persona Humana2, La lettre aux évêques sur la pastorale des personnes homosexuelles3, et bien sûr le Catéchisme, avec ses fameux paragraphes, qui nous ont stupéfiés : à la fois compassionnels – les pauvres ! – et tranchés – s’ils s’installent en couple, leur conduite est intrinsèquement désordonnée, ils sont en état de péché. Le texte est d’autant plus insultant qu’il catalogue les « actes homosexuels » sur le même registre que la fornication, la prostitution, le viol, la pornographie. Vous voyez le tableau !
Interdire à nos fils et nos filles toute vie affective intégrale, pour une orientation non choisie, au risque de leur enlever jusqu’à l’envie de vivre, est mortifère. En mettant ces textes en vis-à-vis du visage de nos enfants, nous entrons dans le vif d’un conflit de loyauté. Comment réconcilier l’amour inconditionnel de nos enfants et rester fidèle à l’Église ? C’est là que se situe toute la raison d’être de Reconnaissance. Parce que l’Église, c’est nous, ce sont nos enfants baptisés, et que nous avons le devoir de témoigner : ce chemin que nous avons fait, aux côtés de nos enfants, les souffrances engendrées par certains discours, cette déconnexion entre la doctrine de l’Église et la réalité, la dignité des chrétiens homosexuels au regard de l’Évangile et des Béatitudes, les rencontres de chrétiens LGBT et leur ferveur magnifique, la possibilité d’un amour stable et respectueux, la relecture de la Bible et la théologie morale sous ce prisme… Comment ne pas les dire haut et fort ? C’est un devoir d’état, de parents et de chrétiens, pour employer une terminologie catholique.
6. Violences systémiques dans l’Eglise catholique – apprendre des victimes
Golias news,
https://www.golias-editions.fr/2024/02/28/violences-systemiques-dans-leglise-catholique-apprendre-des-victimes/
Un anthropologue, une juriste et un théologien1, membres de la Commission indépendante sur les abus sexuels dans l’Eglise catholique, dans un ouvrage récemment paru , fondent leur approche sur la parole même des victimes, sans intermédiaires. Leur réflexion met en lumière les éléments constitutifs des violences sexuelles au sein de l’Eglise catholique pour penser une nouvelle politique criminelle restaurative qui place la victime au centre. Elle met en lumière les éléments constitutifs des violences sexuelles dans l’Eglise catholique, et, au-delà, à d’autres institutions.
Le point de départ de l’ouvrage Violences systémiques dans l’Eglise catholique : apprendre des victimes est le rapport de la Ciase et la démonstration qu’il apporte du caractère massif des violences sexuelles commises au sein de l’Église. L’essai est destiné à un large public et veut aider à la prise de conscience du désastre que représente pour les victimes d’abord, et pour l’Église catholique romaine ensuite, le caractère systémique des violences sexuelles. Cet essai se veut également un prolongement du rapport de la Ciase en ce qu’il s’intéresse à sa réception dans et par l’Église catholique en France et la société, en prenant en compte ce que la parole des victimes comme savoirs d’expérience provoque sur la gouvernance et la doctrine d’une institution.
La parole des victimes : une expertise sur l’Eglise
Le chapitre premier revient sur la fabrique de la Ciase puis reconstitue, à partir des paroles des victimes qui se sont confiées à la Ciase, la réalité du phénomène des violences sexuelles sur mineurs et personnes vulnérables dans l’Église catholique en France des années 1950 à aujourd’hui, et montre ce qui, pour la Ciase, en fait une « violence systémique ». Pour cela, les auteurs restent au plus près des paroles de victimes et, en restituant le travail de terrain et d’analyse mené par les membres de la Ciase, ils font émerger un autre regard sur l’Église. En effet, les victimes ne se contentent pas de relater des faits, elles apportent aussi une expertise sur l’Église, sa gouvernance, sa doctrine et son rapport à la société, plus de cent ans après la loi de 1905 sur la séparation des églises et de l’État. On y découvre tout à la fois la « banalité du mal » et son caractère systémique, rendu possible par un détournement voire, comme le démontrent les auteurs, un véritable dévoiement de l’autorité et du sacré induisant le déni conforté par le silence des familles. On saisit alors pourquoi si peu de victimes ont porté plainte, les chiffres de la criminalité ne représentant que la partie émergée de l’iceberg.
On comprend pourquoi il y eut finalement si peu de répression, tant du côté de l’Église que de la justice étatique. Si ces analyses ont pu être produites, comme le montrera enfin cette première partie, c’est qu’un des aspects majeurs du rapport de la Ciase est d’avoir placé au cœur de la démarche la parole des victimes. C’est tout l’apport de l’anthropologie que d’avoir permis un travail de collecte de témoignages, leur analyse et la co-construction des recommandations avec les victimes. Cette méthode a marqué les esprits. En les écoutant pour apprendre d’elles eten mettant en valeur leur expertise sur les violences qui les ont frappées ainsi que sur le système qui a permis ces violences, la Ciase a ouvert une voie nouvelle dans la compréhension et le traitement des traumatismes institutionnels.
7. Bienvenue au monastère : les Frères de Saint-Jean montent au créneau
Golias news,
https://www.golias-editions.fr/2024/03/26/bienvenue-au-monastere-les-freres-de-saint-jean-montent-au-creneau/
Très récemment (Cf. Golias Hebdo n°806 ainsi que le site Golias-News dans un article du 2 janvier 204), notre rédaction décryptait l’émission de télé-réalité « Bienvenue au monastère » diffusée sur la chaine de télévision C8 du groupe Canal+ de Vincent Bolloré. Une reprise d’un concept néerlandais importé dans l’Hexagone par la fondation chrétienne Zewatchers branchée « évangélisation ». Une fondation pilotée par Chantal Barry, proche de Vincent Bolloré. On admirera la cohérence d’ensemble. Sauf que pour évangéliser, la chaine a jugé bon d’enfermer six personnalités dans le couvent Saint-Dominique de Corbara en Corse dans des mises en scène pour le moins caricaturales.
Mais bien plus grave, la retraite spirituelle (et promotionnelle) de ces personnalités était dirigée par deux « coachs » : sœur Catherine Thiercelin de la communauté des Béatitudes et frère Baudouin Ardillier de la communauté Saint-Jean. Deux entités bien connues pour leurs dysfonctionnements en tous genres (dérives sectaires, emprise, abus sexuels). Pour mémoire, un rapport de 800 pages, sorti en juin dernier à la demande de la communauté elle-même, a identifié 72 frères de Saint-Jean ayant commis des abus sexuels sur 167 victimes. Deux prêtres des Béatitudes ont, par ailleurs, été pointés du doigt par une enquête de La Croix Hebdo pour des agressions sexuelles. Leurs fondateurs avaient déjà été accusés d’abus spirituels et d’agressions sexuelles au début des années 2000.
8.Abus sexuels et emprise : une hémorragie sans fin
https://www.golias-editions.fr/2024/03/20/abus-sexuels-et-emprise-une-hemorragie-sans-fin/
Trois récentes affaires viennent nous rappeler l’immensité de la tâche qui se dresse encore et toujours devant l’Eglise catholique au sujet des abus en tous genres. Le parquet de Paris a annoncé le 8 mars dernier l’ouverture d’une enquête préliminaire pour « agression sexuelle » à l’encontre de l’abbé Luc de Bellescize. L’homme connaissait jusque-là une certaine exposition médiatique et était connu pour ses contributions dans la presse catholique conservatrice (Famille Chrétienne et la Nef ). Il a également été l’ancien secrétaire particulier de l’ex-archevêque Michel Aupetit, blanchi en septembre dernier des soupçons d’agressions sexuelles qui pesaient sur lui. Selon Le Monde, les faits concernent une jeune femme, majeure au moment des faits qui aurait évoqué une relation toxique et des comportements inappropriés avant une agression sexuelle. Une affaire de plus à gérer pour Laurent Ulrich, à la tête de l’archevêché depuis deux ans, qui récupère l’héritage compliqué de l’ère Aupetit, et qui s’efforce depuis de réagir avec promptitude dans ce type de dossier.
Du côté du Lot, la situation de l’abbé de Gouvello a évolué. Evincé de la Cathédrale de Cahors en 2019 pour des « manquements à ses engagements sacerdotaux ». Après une enquête canonique de cinq ans et le classement sans suite de l’enquête pénale, des restrictions sont imposées au curé. Dans un communiqué publié sur le site du diocèse, Laurent Camiade, évêque de Cahors, a annoncé le 3 mars 2024 que « l’abbé de Gouvello continuera d’exercer son ministère de prêtre en respectant les restrictions qui lui sont imposées pour cinq ans, notamment l’interdiction d’accompagner spirituellement et de confesser des femmes. » Ce que ne dit pas le communiqué, c’est que, selon les informations de France Info, l’abbé a été exfiltré à Talence en Gironde. Un grand classique et une situation qui devra être réévaluée dans cinq ans.
9. Drôle de Carême à Lagrasse
https://www.golias-editions.fr/2024/03/13/drole-de-careme-a-lagrasse/
L’auteur de ces lignes reçoit bien malgré lui la littérature prolifique de l’abbaye de Lagrasse1, située dans le sud de la France, au cœur du massif des Corbières. Un lieu idyllique, pour des religieux atypiques…
Dans ce monde traditionaliste totalement décomplexé, les publications sont nombreuses et particulièrement instructives. La dernière en date vaut son pesant d’or… Il s’agit du calendrier de Carême de nos bons moines, qui prétendent élever « les âmes » en les rendant encore plus soumises aux ecclésiastiques qui en ont la charge. On y demande à pleine voix des prêtres « qui soient des saints, qui nous fassent entrevoir le ciel et même qui nous lavent dans le sang du Christ ». Vision extraordinaire d’un sacerdoce dominant les consciences et les cœurs !
Aillet et Valentin en guests stars
Si vous avez la faiblesse, à l’occasion d’une visite du site de l’abbaye, de laisser votre adresse, vous recevrez un livret qui peut vous plonger dans la plus grande des perplexités. D’abord pour le crédit photos, particulièrement soigné. Il s’agit de mettre en scène la vitalité d’une communauté de conquistadores pris sous toutes les coutures avec, auprès d’eux, les « excellents » évêques Aillet et Valentin en guests stars hollywoodiennes. La moitié des images sert donc la gloire d’un triptyque parti à l’assaut du grand Sud : le Père (Aillet), le Fils (Valentin) et le Saint Esprit, toujours présent mais en retrait (le révérendissime père abbé Emmanuel Lefébure)
10.Diocèse de Lyon : qui veut faire de Guignol un chariscomique (1) ?
https://www.golias-editions.fr/2024/03/06/diocese-de-lyon-qui-veut-faire-de-guignol-un-chariscomique-1/
Par une lettre aux prêtres de l’évêque auxiliaire Loïc Lagadec du 23 février, les charismatiques dévoilent leur plan d’action pour la prise en main du diocèse de Lyon. Il leur est proposé de s’inscrire à un parcours Alpha « pasteurs selon mon cœur » ; au projet « cœurs d’apôtres » animé par des spécialistes revendiqués en accompagnement « avec une solide expérience à l’international en entreprise » ; à des propositions de « transformation pastorale », avec, au passage, une formation à la Louange (entendue uniquement sur le mode charismatique) et à « la prière des frères » (élément de la panoplie charismatique pour le recrutement) ; à la participation au coaching par Talenthéo (cf. Golias Hebdo n° 733), un redoutable réseau à visée globale pour contrôler (je cite) « les prêtres, les évêques, les religieux et les responsables laïcs par le coaching et l’animation de sessions de formation au service de la conversion relationnelle et pastorale des paroisses, des diocèses et des communautés » ; à se faire suivre par le « coaching diocésain » pour affronter des « situations professionnelles de salariés, de LEME2, de diacres et de prêtres du diocèse ».
Un bon fidèle pourrait s’étonner que Golias alerte sur ce qui peut paraître à première vue, moderne et positif, et trouver qu’il est exagéré de râler perpétuellement. Sauf qu’il y a deux sujets qui ne passent pas : premièrement l’enrôlement d’office et en sous-main de l’ensemble de rien moins que le diocèse de Lyon dans la mouvance charismatique qui va ainsi s’imposer progressivement à tous. On fait faire aux grenouilles (de bénitier) l’expérience de la casserole à feu doux ; tôt ou tard elles seront cuites et consommées au beurre aillé et persillé charismaniaque. Il sera impossible de pratiquer sa foi chrétienne autrement qu’en priant en langues et, si on résiste, à se faire envoyer délivrer par des exorcistes improvisés (cf. l’affaire Emmanuel Dumont ou les centres du Chemin Neuf, par exemple) du démon de la résistance qu’on vous aura trouvé. Tous ces groupements de bénévoles, Alpha et tous les bêtas qu’on voudra, sont irradiés non par les rayons gamma mais par le pentecôtisme américain…
11. Salon de l’agriculture : de la jachère à la friche politique
https://www.golias-editions.fr/2024/03/06/salon-de-lagriculture-de-la-jachere-a-la-friche-politique/
En déstructurant volontairement le champ politique depuis le début de son premier septennat, le président Macron a créé les conditions d’un profond désordre démocratique dont, après la crise des Gilets jaunes et celle des retraites, celle des agriculteurs montre que les dégâts ne cessent de s’amplifier. « Qu’ils viennent me chercher ! » disait-il pour éluder de s’exonérer de l’affaire Benalla. Au Salon de l’agriculture, la violence a répondu à l’imprudente injonction ! C’est la légitimité du pouvoir démocratique qui a été menacée et insultée en la personne du chef de l’État. « Macron démission » est un cri séditieux, pas une contestation de sa politique. Parce qu’il n’y a plus d’espace politique.
Depuis que le gouvernement est aux prises avec certains agriculteurs, le président Macron va quelque peu à l’aveuglette. Impéritie – il n’a rien vu venir malgré son copinage avec la FNSEA –, coups de communication (M. Attal, Premier ministre aux champs sur sa botte de paille), tolérance abusive – et très sélective – les manquements graves à l’ordre public, se sont soldés par une avalanche de promesses irréalisables ou dangereuses pour le bien commun. Et ça n’a pas suffit. Tout au contraire, on a vu les bonnets jaunes de la Coordination paysanne, animée et soutenue par le RN, prendre ouvertement la tête du mouvement et empêcher pendant plusieurs heures le président de la République d’inaugurer le Salon de l’agriculture.
Avant ce triste épisode, retiré sur son Aventin, le président de la République a laissé le Premier ministre errer et s’empêtrer dans des promesses de promesses de mesures dont on verrait bientôt les effets. Jeu pipé en défaveur de M. Attal, qui – le bras déjà tordu par l’émeute – ne pouvait faire plus que ce qu’il faisait, d’autant que la FNSEA n’a pas fait un geste pour l’aider un peu… Alors, tombant la veste, le président propose de rééditer le coup du prétendu Grand Débat. Il va tout prendre en charge et réduire les contradictions qui opposent écologistes, agriculteurs, agro-industriels et distributeurs. Tout le monde repartira content. Quels travers de pensée rendent crédibles un tel projet ?
12. Crise paysanne : capitulation en rase campagne
https://www.golias-editions.fr/2024/02/14/crise-paysanne-capitulation-en-rase-campagne/
Les manifestations de certains agriculteurs et les réponses de l’État montrent et préparent des dérèglements majeurs de la vie démocratique, mettent en péril l’avenir de l’agriculture et de la santé publique. Populisme gouvernemental, cynisme du principal syndicat agricole, récupération par l’extrême droite… Rien de cela n’était imprévisible, puisque l’agriculture est livrée à l’idéologie libérale. La complaisance des médias, leur suivisme, ont rendu inaudibles quelques voix empreintes de respect de la nature et de la dignité humaine et plus conscientes des vrais enjeux. (illustration : sirinapa@123RF.com)
Fin novembre 2023, à l’entrée des villes et villages ruraux, beaucoup de panneaux indicateurs ont la tête en bas. Les Jeunes Agriculteurs (JA), affiliés à la Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles (FNSEA) manifestaient « que l’agriculture marche sur la tête ». Par exemple, les jeunes agriculteurs de l’Auxerrois exposent ainsi leurs revendications : « On demande une pause normative pour arrêter la superposition de normes et réglementations qui sont très lourdes de conséquences sur les exploitations. (…) On est en train de sacrifier la production en Europe et en France au profit de l’importation. De nombreux marchés sont aujourd’hui déstabilisés par la suppression des moyens de production ou par l’absence de normes strictes imposées au moment de l’importation. (…) La production s’écroule au profit de l’importation. »1 Occupé à séduire la droite par la loi de répression contre les migrants, le gouvernement Borne a dédaigné ce qu’il a tenu pour une rituelle manifestation de la « grogne » ordinaire du milieu agricole, pourtant bien cajolé depuis 2017.
Labours, semailles et moissons…
On récolte ce qu’on sème. M. Macron a multiplié les faveurs pour le milieu agricole et rural, sous la coupe de la FNSEA, de lobbies divers et d’un populisme émanant du RN. Cela a ouvert les appétits ! Les subventions ont été octroyées larga mamu aux chasseurs. Elles sont passées de 27 000 € en 2017 à 11 460 000 € en 2021, tandis que l’État refuse obstinément de mettre des limites au « droit » des chasseurs d’occuper la campagne au mépris de la liberté des citoyens de s’y promener le week-end, les mercredis ou les vacances scolaires. Dès 2017, des mesures favorables aux chasseurs sont annoncées : autorisation des réducteurs de son sur les carabines, allongement de la période de chasse à l’oie, baisse du prix du permis de chasse de 400 à 200 euros. Il sera bientôt possible d’acheter des cartouches dans certains bureaux de tabac… De notoriété publique, M. Macron entretient d’excellentes relations avec Willy Schraen, le président de la Fédération nationale des chasseurs qui proclame sur son site « défendre la ruralité et préserver la biodiversité ». Ce qui est d’une évidence certaine.
Ce copinage avec le monde de la chasse – manifesté par la réouverture des « chasses présidentielles » – n’est pas exempt de contradictions pour l’Européen convaincu qu’est M. Macron. Les chasseurs sont en effet d’ardents souverainistes dans leurs cantons et réserves. Ils sont particulièrement hostiles à l’Europe pour ses directives « Oiseaux » et « Natura 2000 » qui limitent la possibilité de tirer sur tout ce qui bouge, partout et tout le temps. Pour la campagne des législatives de 2017, LREM et les chasseurs avaient signé un accord dans lequel la mise en cause des normes européennes sur la chasse et l’environnement était inscrite. Avec les mêmes arguments que sur les barrages de tracteurs.
13. Abus sexuels : une longue histoire
par
Alexandre Ballario
Le théologien catholique et historien allemand Ulrich L. Lehner vient de publier son dernier ouvrage, Une chasteté de façade-crimes sexuels dans la Compagnie de Jésus aux XVIIe et XVIIIe siècles (éditions De Gruyter). Interviewé par le site suisse Cath.ch, ce professeur de théologie à la prestigieuse Université de Notre Dame aux États-Unis précise le contenu de l’ouvrage. Les problèmes actuels sont tout sauf inédits… Selon l’auteur, « les jésuites aimaient se présenter comme un ordre particulièrement chaste. Cette mise en scène fonctionnait parce que les cas de violence sexuelle sur les élèves et les membres de l’ordre étaient tenus secrets. Les délinquants étaient tout simplement renvoyés dans le clergé séculier, bien que cela soit contraire aux statuts de l’ordre. En revanche, on a gardé dans l’ordre les abuseurs les plus influents, et on les a couverts ».
Impossible donc de ne pas faire le lien avec l’époque actuelle : « Oui, les mécanismes étaient similaires à ceux que nous observons dans la crise actuelle des abus. A l’époque aussi, il y avait des rumeurs auxquelles on ne voulait pas croire. On transférait simplement les gens. Le problème était aussi que les victimes n’étaient jamais considérées en tant que telles. » Des dissimulations à grande échelle : « Pour les jésuites qui étaient professeurs à part entière – et ils étaient peu nombreux – on n’envisageait un licenciement que dans des cas extrêmes. La plupart du temps, on les transférait ailleurs. (…) On ne voulait pas ternir la réputation de l’ordre par un travail de mémoire. Il y avait toutefois aussi des lanceurs d’alerte internes à l’Ordre qui ne pouvaient pas concilier leur conscience avec le fait de rester »insouciants. Ce sont eux qui ont mis en route certaines affaires. »
Une thèse qui vient en contradiction totale avec les idées répandues dans les milieux traditionalistes, selon lesquelles les abus dans l’Eglise sont un problème moderne lié à la révolution sexuelle des années 1960. Les abus sont bien un phénomène systémique. Ce que confirme Ulrich L. Lehner : « J’ai en tout cas trouvé de nombreux liens entre l’encadrement spirituel et les abus. Aujourd’hui comme hier, il y avait des lois ecclésiastiques strictes, mais on ne les appliquait pas souvent ou seulement lorsqu’il y avait un risque de scandale public. L’abus sexuel n’est certainement pas un problème moderne. » Et l’historien de rappeler, pour conclure, que le combat est loin d’être gagné : « Le pape François n’améliore en rien la situation. Il suffit de regarder la « réhabilitation » de l’évêque John Nienstedt, il y a quelques semaines. Dix ans après sa démission, les fidèles sont désormais invités, sans une ligne de justification ou de preuve, à faire confiance au tribunal suprême du Vatican, selon lequel il n’y aurait rien eu de vrai dans les accusations portées contre Mgr Nienstedt. » La route est encore longue. Alexandre Ballario
14. Ritrit.fr : à boire et à manger
https://www.golias-editions.fr/2024/03/26/ritrit-fr-a-boire-et-a-manger-2/
Plus de 130 monastères et communautés se sont réunis sur la plateforme internet Ritrit.fr afin de proposer à un public plutôt jeune des retraites spirituelles. Et le but affiché est d’attirer des personnes éloignées de l’Eglise : « Nous ne voulons pas apparaître comme trop ‘cathos’. Nous faisons aussi attention aux photos et au vocabulaire employés. Par exemple, nous allons montrer des frères ou des sœurs au jardin plutôt qu’en prière à l’église. Car nous nous adressons à un public éloigné de l’Eglise », explique l’un des porte-paroles du site Augustin Marbacher. Mais attention aux novices, tout n’est pas recommandable puisque la plateforme répertorie de retraites proposées par des mouvements connus pour leur ligne hyper conservatrice et pour avoir abrité des dérives en tous genres : les Chanoines de Lagrasse, la Communauté Saint-Jean ou encore les Chanoines de Saint-Victor. Vigilance est de mise afin de discerner le bon grain de l’ivraie. Golias
15. Vatican : l’affaire Rupnik se réveille
https://www.golias-editions.fr/2024/03/06/vatican-laffaire-rupnik-se-reveille/
L’affaire Rupnik en était restée à l’annonce du pape, autorisant la levée de la prescription afin qu’un procès puisse avoir lieu1. L’annonce remonte à fin octobre, depuis : silence. Ce silence vient d’être troublé par de méchants perturbateurs. Le 21 février, était organisée une conférence de presse au siège de la Fédération nationale de la presse italienne.
C’était la première fois que deux victimes, anciennes religieuses, Gloria Branciani, italienne, et Mirjam Kovac, d’origine slovène, à qui l’on doit le travail en coulisses pour retrouver et réunir les victimes de Rupnik, acceptaient de parler publiquement, après s’être d’abord exprimées sous pseudonymes. « Nous avons décidé de parler pour nous opposer au mur de caoutchouc que les autorités ecclésiastiques ont érigé toutes ces années. » Bishop Accountability étaient les instigateurs de cette conférence de presse. Basée aux Etats-Unis, cette organisation tient, depuis 2003, un registre des évêques impliqués dans la couverture d’abus sexuels du fait de membres du clergé. Anne Barrett Doyle, codirectrice, était présente ainsi que l’avocate des victimes, Laura Sgro.
Mirjam Kovac explique : « Personnellement, je n’ai pas été abusée sexuellement mais seulement psychologiquement. Pendant longtemps, je n’ai pas vu ce qui se passait autour de moi. Nous étions toutes des jeunes filles pleines d’idéaux. Ce n’est qu’après que Gloria a quitté la communauté de Loyola, à Ljubljana, que j’ai commencé à comprendre. Trois ans plus tard, je suis partie à mon tour. Les sœurs qui sont parties sont nombreuses et beaucoup d’entre elles vivent les conséquences de ce qu’elles ont souffert. »Puis Gloria Branciani a exposé le mécanisme psychologique de l’emprise et ses conséquences : « Je me suis échappée de la communauté en 1993 parce que je voulais mourir et ne plus souffrir. J’avais subi la perte totale de mon identité. Je n’arrivais pas à penser à quelque chose de positif pour ma vie. » Elle a repris en détail ce qu’elle a subi, notamment les traces de ce qui pourrait être qualifié de faux mysticisme : les relations sexuelles à trois « à l’image de la Trinité ». « Si je ne me pliais pas à ses exigences sexuelles, il disait que c’était à cause de mon appauvrissement spirituel. »N’en rajoutons pas, ces faits ont été déjà relatés par Golias quand l’affaire a été révélée2.
16. L’Église face à la pédophilie et aux abus sexuels
In La Croix
https://www.la-croix.com/Religion/l-Eglise-face-a-la-pedophilie
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